Hier, j’ai vu Demain, le film de Mélanie Laurent. Les réalisateurs du film sont allés à la rencontre des gens qui essayent de changer le monde, de faire bouger les lignes pour tenter d’endiguer et résoudre les crises écologiques, économiques et sociales, que traversent nos pays. Le chapitre sur l’économie est intéressant, l’entrepreneur que je suis ne peut qu’être touché par ces réflexions, ces hommes et ces femmes qui, un peu partout dans le monde, se retroussent les manches pour lutter contre les effets pervers de la mondialisation et défendent les emplois locaux.

Intéressant, ça fait réfléchir, et puis le quotidien reprend le pas sur la réflexion. Ce matin, je passe la première partie de la matinée à prospecter. C’est pénible, ingrat, mais comme les pompes ou le footing matinal, c’est une démarche indispensable.
Encore empreint des images du film je me dis “tiens, et si je contactais cette belle PME locale devant laquelle je passe tous les matins ?” Je compose le numéro, tombe sur une standardiste qui n’a pas encore pris son café. Des deux options, m’éconduire ou me passer le bon interlocuteur, elle choisie la plus favorable. Je me présente, je pitch notre activité à mon interlocuteur, j’ai droit à un “mmmmhhhh” et puis à une phrase sans appel “nous travaillons avec une société parisienne pour le développement de nos projets informatiques et digitaux”, je lui demande pourquoi, j’ai droit à un réponse évasive, je lui demande laquelle, il me donne le nom. Je n’insiste pas, la société en question je la connais, des chefs de projets et des lead-developers français, mais le gros du développement est outsourcé à Cluj, en Roumanie. Belle illustration de la mondialisation.

Suivant sur la liste, la direction régionale d’un grand groupe d’assurance. Là, c’est autre chose, la DSI régionale travaille avec une grande SSII, et ce pour des raisons de taille critique, c’est un contrainte imposée par la direction des achats. Là encore, les développements ne sont pas effectués localement, les compétences sont parisiennes pour la gestion du projet et les développements majoritairement outsourcés en near shore.

La plupart des grands projets initiés par des grands comptes implantés en Rhône-Alpes et de nombreux projets stratégiques initiés par les grands acteurs économiques locaux partent ainsi vers des grandes SSII ou des agences parisiennes. La raison principale est souvent liée à la taille des acteurs locaux, les plus grosses entreprises lyonnaises de ce secteur n’excédant pas 50 personnes, là ou les direction des achats des grands groupes exigent une taille minimum requise de 100 personnes

Mais alors comment développer des compétences pointues localement ? Pire encore, cette démarche profite aussi aux pays émergents : Maroc, Roumanie, Asie, Inde, qui ont ainsi l’opportunité de travailler sur de grands projets et qui vont à terme concurrencer ceux qui les emploient aujourd’hui.
Le paradoxe, c’est que dans notre entreprise nous avons tous une expérience significative, nous avons travaillé pour des grands clients : Auchan, Carrefour, Leroy Merlin, Axa, EDF, VINCI… Nous disposons de ressources rares, travaillant sur des technologies surtout maîtrisées par des pures players du web, outre atlantique : Golang, React JS, Docker, les architectures micro-services.

Toutes ces technologies ont un objectif : améliorer le time-to-market des projets. c’est un sujet majeur en des temps où personne n’est à l’abri de la disruption. Par ailleurs ces technologies, pour être efficaces, nécessitent de mettre en oeuvre des méthodes projets différentes, plus adaptées, plus réactives, en adéquation avec les réalités du marché et les exigences des consommateurs. Mais comment mettre en place des méthodologies agiles scrum, lean start up, design thinking, s’il n’y a pas de proximité avec le client ? Si les gens ne travaillent pas ensemble ? S’ils ne se comprennent pas ? S’il y a des ruptures dans la chaîne de création de valeur ?

Agir localement, penser globalement, travailler ensemble entre acteurs lyonnais et rhône alpins pour convaincre les grands entreprises et les directions régionales des grandes entreprises de confier leurs grands projets à des acteurs locaux, pas forcément pour des raisons de tailles critiques mais sur un point fondamental : l’excellence des compétences. Faire en sorte d’offrir des alternatives crédibles aux grandes SSII que sont SOPRA STERIA, GFI, CAP GEMINI ou aux grands acteurs de la communication et du digital comme PUBLICIS NURUN.

Les solutions sont multiples : partenariats, alliances, programmes de formation communs, partenariats avec des grands comptes locaux …

Il nous appartient de structurer le dialogue entre acteurs locaux, d’étendre nos échanges avec les grands comptes régionaux, afin de trouver des solutions pour créer plus de compétences locales. Il est primordial de faire émerger, sous une forme ou sous une autre, des structures à même de répondre à des projets stratégiques, et non plus de se contenter de la partie la plus congrue des projets. C’est toute notre économie qui en dépend.

C’est à nous de jouer, d’innover, de nous ouvrir, de penser en dehors du cadre et de créer de la valeur en mettant en place un véritable écosystème. Un environnement favorable à l’émergence de leaders technologiques et à la mise en oeuvre de projets innovants avec les acteurs économiques et les grandes entreprises de notre région. Et par extension, les grands comptes Français.