Début novembre, le Ministère de l’Industrie et de la Technologie de l’Information chinois a annoncé qu’un système chinois de VLC, ou Visible Light Communication, ou encore LiFi (Light Fidelity), avait réussi à atteindre un taux de trafic en temps réel de 50 Gbits par seconde. Ce débit impressionnant pourrait dans un futur proche nous permettre de télécharger un film en HD en à peine 0,3 secondes simplement grâce à la lumière d’une lampe. Pour information, le record de débit semble aujourd’hui appartenir aux chercheurs de l’Université d’Oxford, qui ont réussi à atteindre un débit de 224 Gbits par seconde. Gardons cependant les pieds sur terre, de tels dispositifs restent pour l’instant à des années de toute forme de commercialisation possible.

Cette annonce est une excellente occasion de faire le point sur cette technologie encore peu démocratisée, mais sur laquelle la France est experte.

lifi wifi

On doit l’invention du concept de la transmission d’informations par la lumière à l’inventeur du téléphone. En effet, en 1880 Alexander Graham Bell a réussi, à l’aide de son photophone, à retransmettre le son de sa voix sur plusieurs centaines de mètres grâce à la lumière du soleil. C’est la technologie LED qui a par la suite ressuscité le concept dès 2005 au Japon. Pourquoi la LED ? Tout simplement parce que contrairement aux ampoules halogènes ou à incandescence, les éclairages LED utilisent des ampoules qui s’allument et s’éteignent plusieurs millions de fois par seconde, variations qui sont bien entendues trop rapides pour être visibles à l’œil nu. Ces variations vont être utilisées pour coder des informations, comme avec le morse, ou le langage binaire utilisé en informatique. La démocratisation de l’utilisation de LED a donc poussé de nombreux acteurs à se pencher sur ce moyen de transmission de données. Aujourd’hui, il suffit d’installer un routeur sur le système d’éclairage et un décodeur sur le device récepteur afin qu’il décrypte le signal lumineux et le tour est joué, il est alors possible de lire une vidéo par exemple.

Les avantages du Lifi sont multiples : plus besoin de se soucier des émissions d’ondes néfastes à notre organisme ; il n’y en a pas. De même pour les interférences, ce qui fait que les hôpitaux font partie des premiers établissements à le tester. La bande Lifi est quant à elle 10 000 fois plus large que celle du Wifi, qui réduit très largement tout type de saturation (trop d’utilisateurs par émetteur), et elle n’est pas en capacité d’interférer avec d’autres sources de lumière à proximité. De plus, comme nous l’avons vu en introduction, les capacités en termes de débit peuvent être impressionnantes, dépassant de très loin les technologies domestiques de Wifi actuelles moyennes (environ 600Mbits par seconde). Enfin un avantage qui peut aussi se révéler être un inconvénient est le fait que les faisceaux lumineux ne traversent pas les murs. On ne peut donc pas se faire pirater. En revanche, il faudra se satisfaire d’un usage domestique, et surtout de disposer du matériel nécessaire : éclairage LED, routeur et décrypteur.

Quand bien même cette technologie peut vous paraître étrange, il s’avère que plusieurs utilisations du Lifi en bas débit sont déjà sur pieds autour de nous, dans des secteurs très variés.

D’un usage du LiFi pour de la diffusion d’informations locales…

carouf lifi

En mai dernier, Carrefour a installé avec l’aide de Philips un système Li-Fi dans son hypermarché de Lille. Grâce à un nouvel éclairage de LED, qui est perçu par la caméra du smartphone des clients, et une application mobile innovante, cette première européenne permet aux visiteurs du magasin de se repérer, de trouver rapidement des promotions. Leclerc et Leroy Merlin sont également en train de tester leurs propres dispositifs.

Le Lifi peut également être une opportunité pour la smart-city. La ville de Meyrargues a d’ailleurs inauguré début Novembre son réseau LiFi public. La SLA (Smart Lighting Alliance) y a installé des émetteurs LED bas débit sur 17 lampadaires publics. Ils pourront diffuser du contenu relatif à leur emplacement dans la ville : par exemple, celui devant la poste pourra diffuser ses horaires d’ouverture. En revanche, contrairement au dispositif de Carrefour, les smartphones devront ici être équipés d’un « dongle », petit récepteur à brancher au port audio de l’appareil…

L’art est aussi touché par le Lifi. Pour preuve, la mise en place d’un dispositif permettant aux visiteurs, à qui des tablettes sont mises à disposition, d’accéder au contenu relatif à chaque œuvre, dès lors qu’ils se tiennent devant, et ce au centimètre près. Ce système est développé par la startup française Oledcomm. Travaillant sur des projets avec la SNCF, c’est également elle qui a équipé des mines au Chili afin de géolocaliser les ouvriers en cas d’éboulement.

Ces exemples, qui vous auront peut être fait penser à certaines mises en application de la technologie Beacon, sont donc des applications relativement similaires de LiFi bas-débit unidirectionnel, basées sur l’émission à sens unique d’informations légères et la géolocalisation : on peut les considérer comme des points d’information.

Vers un accès réel à Internet en LiFi

Le fabricant de luminaires français Lucibel, quant à lui, est bien décidé à ne pas s’arrêter là. Il a justement mis au point un prototype bidirectionnel (envoi de requêtes et réception de données) et haut-débit (permettant de streamer du contenu plus lourd). On arrive donc ici dans une vraie notion d’accès à Internet par la lumière. Le dispositif est ici composé d’un luminaire LED raccordé en Ethernet au réseau, et d’un émetteur-récepteur connecté en USB au device. Les données sont alors émises de la LED à l’appareil (transfert de données en descendant) grâce au rayon lumineux. Celles-ci, pour le flux de retour (montant), donc issues de l’appareil, sont captées en infrarouge par un capteur disposé à côté de la LED. Lors de l’inauguration de ce dispositif, Edouard Lebrun, directeur du programme LiFi de Lucibel, a prouvé son efficacité en tenant une vidéo-conférence skype en direct. Cette solution est testée depuis juin dernier dans certaines salles du siège de Sogeprom, filiale immobilière de la Société Générale basée à La Défense, et fonctionne donc pour les ordinateurs et tablettes, permettant à leurs possesseurs de surfer sur Internet, et même de lire des vidéos en streaming.

C’est bien connu, les ondes radio sont néfastes. Le monde de la santé en fait une de ses préoccupations, et le LiFi semble en être une bonne alternative. Le centre hospitalier de Perpignan a donc décidé de s’équiper, permettant dès lors un accès et transfert sain aux dossiers des patients en mobilité. Ici aussi on est sur un dispositif de Lifi bidirectionnel. D’ailleurs, il est intéressant de constater que les LEDs intéressent le milieu médical pour tout autre chose. Des chercheurs les ont utilisé pour équiper un dispositif visant à supprimer la sensation de douleur dans le corps humain.

Une technologie que s’approprient donc des secteurs très variés, sur laquelle la France est très bien positionnée, avec Lucibel et Oledcomm, mais dont la concurrence peut également venir d’Estonie. En effet, Velmenni, startup finaliste du Slush 100 qui s’est récemment tenu à Helsinki, a annoncé être en train de tester à des fins commerciales un pilote pouvant envoyer de la data à un débit de 1Gbit par seconde. En revanche, afin que le LiFi se démocratise à l’échelle du grand public, il faudra d’une part que notre environnement soit réellement équipé de LEDs, et d’autre part que les constructeurs dotent leurs smartphones de capteurs, ce qui n’est pour l’instant les cas que pour une minorité de devices. Le professeur Harald Hass, de l’Université de Edimbourg, et qui a été le premier à utiliser le terme LiFi lors d’une conférence TED en 2011, a peut-être touché du doigt une manière de faire adopter la technologie dans un contexte domestique. Il a d’ailleurs présenté très récemment son nouveau prototype au grand public, avec lequel il a affirmé son ambition de faire de tous les panneaux solaires des récepteurs LiFi. Reste à voir ce qui va venir le plus rapidement dans nos maisons, les LEDs ou les panneaux solaires…