L’association Citoyens Capteurs s’empare des technologies de l’internet des objets, principalement des capteurs, pour les mettre au service de la cause environnementale.

Grâce à des capteurs à bas coût de production, développés depuis 3 ans par l’association, et à un site internet dédié, il devient possible de mesurer son exposition à la pollution de l’air.

Quand internet s’invite dans l’air : la technologie utilisée.

Un capteur de pollution mesure précisément l’impact sur l’air de polluants issus de la combustion des énergies fossiles (Dioxyde d’Azote-NO2). Ce capteur est communiquant, il permet d’envoyer en temps réel les mesures et de les localiser grâce à un module GPS. Une interface offre la possibilité de stocker et de visualiser les données qui apparaissent ainsi simultanément sur une carte et sur une ligne de temps. Ces données sont en libre accès (Open data) et peuvent être exportées en fonction de la date ou du lieu de captation.

L’objectif est, pour les piétons, de cartographier leurs trajets de déplacement selon le degré de pollution et, pour les pouvoirs publics, d’identifier des zones fortement émettrices sur lesquelles agir en priorité pour améliorer la qualité de l’air. L’association s’engage pour mettre entre les mains des habitants, des associations ou des collectivités des technologies de captation de leur environnement en fondant cette démarche citoyenne sur la participation et la transparence. Les données récoltées sont publiques et ouvertes.

Cette philosophie du « Nous Quantifiant » vient renouveler les visions pessimistes du web des données et de ses usages majoritairement privés. En mêlant habilement open data et mesure collective, elle tourne également le capteur vers un domaine moins égoïste que le « Soi quantifié » (Quantified self) qui fait le succès de la dernière génération d’objets connectés portatifs. Attachée à l’idée d’ouverture radicale du projet, l’association décidément très portée sur le digital a mis en ligne des tutoriels afin de pouvoir monter soi-même son propre capteur. L’ensemble de ces ressources est consultable sur le Wiki de l’association.

Mesure-toi (toi-même) : Data tyrannie ou Data Démocratie ?

Face à la montée en puissance concomitante du big data et des objets connectés, les citoyens ont de plus en plus conscience d’être observés et mesurés dans leur activité ordinaire en ligne. Cette activité a connu une croissance fulgurante avec l’internet mobile, qui nous permet désormais de nous connecter en toute heure et en tout lieu. Le développement des puces et des capteurs communicants accroît encore le volume de data et ouvre de féroces appétits économiques pour leur mesure, leur compilation et leur monétarisation.

Sans rejeter ces technologies, l’association semble nourrir le débat en redonnant toute sa place à un internet décentralisé et à l’intelligence collective des citoyens. La nuance sur laquelle se développe cette pratique, c’est celle qui existe entre un consommateur capté et un citoyen capteur, entre un objet mesuré et le sujet de la mesure. Cette pratique citoyenne refuse l’instrumentalisation par des « objets intelligents » et prend le contre-pied de la vision actuelle de l’objet connecté : un objet séducteur, design et convivial, produit par autrui et générateur de données personnelles. Ici, on propose une recette de « fabrication maison » de l’objet connecté et une bonne dose de pédagogie sur son utilisation.

Cette idéologie du « nous quantifiant » arrive à rebours de la version privée et très marketing du « soi quantifié ». La question que supporte la croissance du web des données est de savoir laquelle de ces deux utilisations des technologies de l’internet des objets s’imposera demain comme la principale innovation sociale de cette période du développement d’internet.

Les technologies de l’internet des objets vont-elles redonner du pouvoir aux citoyens ou faire de nous des objets de mesure du matin au soir dans un contexte de forte concentration des acteurs actuellement en mesure de les exploiter ? L’association citoyens capteurs n’apporte pas encore la réponse à cette question, elle offre toutefois une voie intéressante pour ceux qui voudraient relever le défi citoyen.