Tout au long de l’année, nous explorons tous les sujets qui traitent du digital sous toutes ses formes. Les angles sont souvent serrés et les analyses faites au scalpel par l’ensemble des contributeurs du site… De temps en temps, il est nécessaire d’élargir la focale et d’embrasser le sujet plus globalement pour éclairer le sujet sous un autre angle. C’est cette ambition que nous poursuivons au  travers de l’interview de David Barthe,  Directeur Associé du Cabinet ALBISTE spécialisé dans les secteurs du commerce, de l’artisanat et du monde agricole, acquise au sein de cabinets ministériels, associations d’élus locaux, chambres consulaires, entreprises privées et Maître de Conférences Associé à l’IAE Lyon. Cette rencontre nous permet de mieux comprendre comment le webmarketing, les enjeux du commerce connecté et les nouvelles solutions proposées par le numérique peuvent concrètement concerner tous les commerçants et leur permettre de (re)séduire ou le consommateur.

Siècle digital (SD) : Partout en France, le commerce de proximité est à la peine, les centres-villes sont en perte de vitesse. Ici on accuse les grandes surfaces de la zone voisine, dans une autre ville ce sont les aménagements urbains et le manque de parkings qui sont l’objet de tous les maux… la liste des responsables est quasi infinie. Dans le même temps, les innovations se multiplient pour inventer le commerce de demain sans avoir réellement l’impression qu’elles entrent dans les commerces d’aujourd’hui, ceux que l’on fréquente tous les jours. Est-vrai ?

David Barthe (DB) : Le commerce et l’artisanat, comme de nombreux secteurs économiques subissent la crise économique et la baisse de la consommation, ou plutôt les arbitrages de consommations opérés par les clients.

Il est vrai, en parallèle que l’on assiste à un foisonnement d’innovations dans un secteur souvent qualifié à tort, comme traditionnel et peu innovant. Aujourd’hui, les commerçants innovent dans différents domaines : technologiques, aménagement du point de vente, services aux clients, produits …

Certaines innovations ont été déployées rapidement dans les points de vente : éclairages basse consommation ou encore paiement sans contact en partenariat avec les organismes bancaires.

SD : A votre avis, les commerces physiques, les centres-villes ont-ils toujours un avenir ?

DB : Sans nul doute oui ! À condition évidemment de prendre en compte les transformations rapides en matière de mode de consommation et d’usages numériques par les consommateurs.

Ces derniers, s’ils sont bien connectés au monde via internet, recherchent parallèlement des bons plans locaux, de la proximité, du conseil. Le commerçant de proximité est dès lors bien placé pour répondre à ces attentes et apporter une réponse à ce besoin de réassurance exprimé par le consommateur.

N’oublions pas non plus que nous sommes des mammifères : nous avons besoin de voir réellement, toucher, sentir, … autant de choses qu’internet ne permet pas.

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SD : Quels sont les outils numériques dont commerçant peut se saisir pour dynamiser son point de vente ?

DB : Tout d’abord, il me semble important que les commerçants disposent d’un vrai fichier client leur permettant, comme les grandes enseignes, de pouvoir mettre en œuvre une stratégie big data : connaissance fine et précise de mes clients, offres personnalisées, analyse des flux et des paniers d’achats, …

Ensuite, il faut utiliser les réseaux sociaux, au premier rang desquels Facebook, afin de créer, fidéliser et engager une communauté de clients afin d’en faire des ambassadeurs du point de vente. D’autres réseaux sociaux existent, tels que Pinterest, très adapté aux secteurs de l’équipement de la personne ou de la maison.

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Il est indispensable, par contre, de rematérialiser sa présence digitale dans son point de vente. Plusieurs solutions existent, tels que des compteurs connectés qui affichent le nombre de fans Facebook, ou comme l’a fait Nordstrom aux États-Unis, en mettant des étiquettes au logo de Pinterest sur les produits présentés en ligne, permettant ainsi à ses client(e)s de les retrouver plus facilement dans le magasin.

SD: A votre avis, quelles sont les innovations aujourd’hui accessibles technologiquement et financièrement pour permettre aux points de vente d’entamer leur révolution ?

DB : Tous les outils internet, du site internet, aux solutions de e-commerce, en passant par les médias sociaux ou encore les applications mobiles sont aujourd’hui économiquement accessibles pour les commerçants et artisans.

Le plus difficile est de prendre le temps, ce qui n’est pas toujours facile, de construire sa stratégie digitale en se posant quelques questions : quels sont outils utilisés par mes clients ? Quelles sont leurs attentes vis-à-vis de mon point de vente ? Pourrais-je libérer le temps nécessaire pour mettre en œuvre ma stratégie digitale ? Par quoi dois-je commencer ?

SD : D’ici combien de temps les commerces traditionnels auront-ils finalisé leur mutation ?

DB : Le commerce et les technologies sont en perpétuelle évolution, il semble donc a priori difficile de donner une temporalité pour affirmer que le commerce traditionnel aura effectué sa mue à telle ou telle date.

Ce qui est sûr, pour autant, c’est que le temps s’est accéléré et qu’il devient urgent, pour les commerçants d’intégrer les technologies, mais aussi de construire leur stratégie webmarketing face à des consommateurs qui ont opéré cette mutation technologique et d’usage via les médias sociaux et les mobiles.

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Par contre, il semble évident que l’arrivée de nouvelles solutions, telles que les beacons ou encore de nouvelles solutions de paiement sans contact, doivent amener les commerçants à réaliser leur mutation, non pas en abandonnant leurs points de vente pour le e-commerce, mais bien en passant du commerce au commerce connecté (point de vente, webmarketing, services en ligne, e-commerce, …) dans les toutes prochaines années.

SD : Quelle est la responsabilité des collectivités locales et des pouvoirs publics face à cette nécessaire mutation ?

DB : Les collectivités locales peuvent, en liaison avec les chambres consulaires ou encore les associations de commerçants et d’artisans, engager et porter des actions afin d’accompagner les commerçants dans cette mutation vers le commerce connecté.

Surtout, à partir du moment où le commerce opère sa transformation numérique, pour à la fois répondre aux attentes des clients mais aussi pour mieux les connaître notamment grâce au Big Data. Dès lors, le commerce est une des composantes des stratégies de smart cities/villes intelligentes portées par de nombreuses collectivités locales.

De nombreux chantiers restent à ouvrir autour du big data et de l’open data, des capteurs, des applis mobiles entre acteurs du commerce et acteurs publics locaux.

SD : Quelle technologie, application ou expérimentation connaissez-vous en France qui de votre point de vue mérite d’être observée à la loupe tant elle a du potentiel ?

DB : Plus que d’une technologie, je parlerai d’un mix technologique entre outils online et offline dans le point de vente. Il s’agit, en effet de permettre aux clients d’avoir un parcours d’achat omnicanal fluide et sans contraintes : je veux pouvoir regarder en ligne les produits proposés par mon commerçant et venir acheter en magasin, en ayant par exemple la possibilité de réserver le produit ou de faire préparer ma commande.

De manière concrète, le mix technologique peut reposer sur le fichier client, couplé à une appli mobile et des capteurs dans le point de vente, permettant au client de se sentir reconnu en tant que client par le commerçant, et en retour, permettant au commerçant de proposer une offre adaptée aux habitudes d’achats des clients. Sephora, Darty travaillent et déploient actuellement de telles solutions afin de faciliter le parcours d’achat de leurs clients dans leurs magasins. En matière de commerce de proximité, la stratégie digitale de la boulangerie Comme à la Maison à Meythet en Haute-Savoie, mérite d’être citée en exemple : Alexis DINET, boulanger et patron de cette entreprise, a mis en œuvre une véritable stratégie digitale : site internet, médias sociaux, vidéos et tutoriels, … afin de fidéliser ses clients et d’attirer de nouveaux consommateurs dans sa boulangerie.