L’introduction fracassante d’Alibaba à Wall Street et l’entrée de Xiaomi dans le top 3 des fabricants mondiaux de smartphones ont récemment mis en lumière l’avancée de la Chine dans le domaine d’internet et des technologies. Mais derrière le succès de ces entreprises il y a une réalité de marché : le consommateur chinois est aujourd’hui hyper connecté et hyper mobile.

Quelques chiffres :
• 648 millions de Chinois ont accès à internet, soit plus d’un internaute sur cinq dans le monde (Agence Chine Nouvelle, janvier 2015)
• L’accès à internet en Chine se fait d’abord sur le mobile, 565 millions de personnes se connectent sur un smartphone ou une tablette (We Are Social, janvier 2015)
• L’Empire du Milieu est le premier marché de e-commerce au monde (e-marketer). 8 internautes sur 10 y effectuent des achats en ligne (GlobalWebIndex 2014) et 4 sur 10 utilisent une solution de paiement mobile (China Internet Network Center), c’est sans équivalent hors la Corée du Sud. Lors du Double 11, la fête des célibataires et son immense opération de soldes sur internet du 11 novembre dernier, 42% des achats en ligne ont été réalisés depuis un mobile.
• La Chine est le seul pays du monde où le temps passé à regarder la TV connectée, essentiellement sur mobile, est équivalent à celui passé sur un poste standard (Global Web Index 2014, base internautes), quant au temps consacré quotidiennement aux réseaux sociaux il est au niveau des US et du Japon (BCG 2014)
• A Shanghai, le voyageur peut se connecter au wifi dans 3800 bus et 10000 taxis qui sillonnent la ville. Dans les tunnels du métro, il voit des publicités défiler sur des écrans digitaux de plusieurs centaines de mètres de long qui s’adaptent à la vitesse de la rame pour l’accompagner le long de son parcours.
• Les annonceurs suivent le mouvement de cette société connectée. Ainsi par exemple de Mercedes qui monte des opérations de vente flash sur WeChat ou Weibo au cours desquelles elle vend des centaines de véhicules en quelques heures, ou d’Unilever qui consacre cette année 40% de ses investissements publicitaires au digital contre 10 à 20% dans les autres pays.

Lynn, une jeune cadre d’entreprise étrangère à Chengdu, résume bien le rapport de la classe moyenne à la connexion : « Je fais tout avec mon smartphone. J’échange simultanément avec mon copain, mes amis et mes collègues de travail, j’organise mes sorties, je paye mon loyer, mes factures, le taxi, je fais mes courses alimentaires, de produits de beauté, je partage la note du restaurant avec mes amis, j’envoie de l’argent à ma famille… J’adore faire du shopping mais avec moi les grands magasins sont morts, j’achète tout sur mon smartphone ».

Pourquoi un tel engouement pour le digital ? Pourquoi une telle avance de la part de consommateurs qui, dans leur grande masse, n’ont pas encore atteint le niveau de richesse, d’éducation et d’équipement de ceux des pays occidentaux ? Les facteurs sont multiples :
• D’abord le saut des pratiques. Les chinois n’ont jamais vraiment eu de lignes de téléphones fixes chez eux. Ils sont passés directement d’une absence de moyen de communication au téléphone portable, et très vite au portable connecté. Dégagés de l’inertie de tout système antérieur, ils se sont projetés sur les nouveaux usages avec d’autant plus de rapidité.
• Le déploiement géographique : dans les villes secondaires – souvent peuplées de plusieurs millions d’habitants – où beaucoup de marques sont encore peu présentes, le digital offre un accès à la consommation aux gens qui autrement resteraient à l’écart, et aux marques un moyen de se développer sans investir trop massivement dans la distribution. Ce sont ces villes secondaires qui drivent aujourd’hui la croissance du e-commerce.
• Le contexte sociologique : l’exode rural qui sépare les familles, l’isolement de l’enfant unique, la confiance limitée dans les médias contrôlés par le gouvernement favorisent l’utilisation des réseaux sociaux et le recours aux modes de communication connectés.
• L’offre : les marques locales de téléphones, Huawei et Xiaomi en tête, ont su proposer des produits low cost permettant de booster la pénétration et les usages du smartphone ; de même les acteurs de l’internet ont développé des modèles poussant des services qui entrainent les usages des consommateurs plutôt que la publicité. WeChat est un bon exemple avec son interface épurée (tellement éloignée de la surcharge publicitaire de Facebook) et des services (paiement, commande de taxi, billets de cinéma, etc.) qui s’intègrent au quotidien des individus, ou encore le partenariat entre Alibaba et Youku sur le « view & buy » qui permet d’acheter en un clic ce qu’on voit dans une vidéo : la chemise du chanteur, les chaussures de l’actrice, la lampe là dans un coin.
• Les solutions : des systèmes de paiement reconnus et efficaces, tels AliPay du groupe Alibaba ou TenPay de Tencent, le principe rassurant pour le consommateur du Cash on Delivery (COD) et des frais de livraison très limités qui contribuent à l’explosion du e-commerce.
• Tout cela soutenu par une appétence, une curiosité, une faculté à adopter les nouvelles technologies très forte chez les consommateurs des générations jeunes et intermédiaires.

Tous ces éléments concourent à faire du citoyen chinois un internaute actif et qui consomme via son mobile. Dans ce pays (pourtant communiste !) émerge un nouveau consommateur qui ne « va » plus faire ses courses mais qui, via son smartphone, est en situation d’achat permanente. C’est à la fois une aubaine et une remise en cause totale pour les marques occidentales.