Le 4 novembre dernier, Adobe organisait un symposium à Paris réunissant plus de 500 professionnels du marketing et du digital. On y parla tendances et évolutions, et on découvrit des cas concrets éclairants avec des produits d’Adobe. Pour inaugurer cette journée, une intervenante d’honneur donna le coup d’envoi et galvanisa l’assemblée avec sa présentation « réinventons nos jobs à l’ère du digital ». Cette invitée d’honneur, c’était Catherine Barba.
Compte-rendu d’une intervention remarquable et remarquée.

J’avais déjà lu des articles dithyrambiques sur Catherine Barba. Vantant son caractère comme son intelligence, relatant son parcours hors du commun d’entrepreneur et de business angel. Tout cela ne m’avait pas préparée à la pétillance de cet orateur hors pair qui a su dépasser la simple présentation pour embarquer et impliquer chacun des participants dans la salle.

2 grands messages m’ont marquée dans son intervention :

1/ « arrêtez de parler de consommateurs, parlez de clients ».

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Un débat sémantique évidemment tout sauf anodin quand on voit la séparation des rôles et les silos dans les entreprises.

2/ « c’est vous les acteurs du changement. Si vous ne le faites pas, personne ne le fera. »

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J’ai trouvé cela tellement évident et pourtant si rarement formulé.
Généralement dans ce type d’évènement on assiste à des présentations avec des supers cas, puis on rentre chez soi en se disant que chez nous c’est pas possible, parce qu’il y a tel problème et tels freins. Catherine n’a pas cessé de marteler aux membres de l’assistance qu’ils devaient s’emparer du changement et le mettre en œuvre dans leurs entreprises, faute de quoi rien ne changerait.

Au cours de sa présentation, elle a notamment abordé les thèmes suivants :

– L’enjeu du care, du service : la satisfaction du client n’est pas une fin en soi, c’est devenu une nécessité, un pré-requis.
– L’enjeu du temps : le client est d’une exigence incroyable par rapport à la réactivité des entreprises (NB : il est prêt à attendre 4H en moyenne pour une réponse sur FB, 1H sur Twitter. Rares sont les marques qui savent le traiter)
– L’enjeu du relationnel : il veut qu’on lui parle de lui. Il ne supporte plus les messages top-down. Et il veut de l’humain.Tweet Adobe symp
– L’importance du point de vente : Catherine croit très fort au web-to-store et a longuement développé le thème et des exemples réussis (ou pas!) de complémentarité des canaux.

Parce que le client a évolué, les règles du jeu ont changé.
6 points saillants ont été abordés :

1)   le client se fiche du canal

Online, offline, pour lui c’est la même chose : une seule expérience avec la marque.

Qui ne s’est pas entendu dire un jour : « ah mais oui mais ça c’est sur le site, ils n’ont pas les même prix que nous… » ? En 2014, ce n’est plus possible – les clients ne voient pas les choses comme ça et les marques doivent l’intégrer.

-> Il faut garantir la continuité parfaite et cohérente de l’expérience client sur tous les points de contact.

 2)   le client se fiche des « moments de vérité »

D’après Catherine, ce n’est pas le moment où il ‘passe à la caisse’ qui compte dans sa relation avec la marque, c’est le reste. Les moments où il vit avec le produit, bien sûr, mais aussi tout ce que la marque saura construire dans un relationnel investi.

-> Il faut donner de la valeur à autre chose qu’au moment transactionnel.

 3)   Le client se fiche des secteurs

Arrêtez de benchmarker votre catégorie uniquement, vos concurrents directs. Ouvrez les écoutilles et inspirez vous de ce qui marche le mieux car c’est par rapport à ça que votre client vous compare.

-> Un nouveau mètre de la relation client a émergé.

4)   Le client a conscience de l’abondance des données.

Le one-to-one n’est plus une utopie, à l’ère de la donnée c’est une réalité. Il faut réussir à réconcilier les bases de données. Derrière ce « il faut », on le sait, tant de difficultés, de blocages dans les organisations, de contraintes à lever… Les organisations doivent tendre vers une gestion unifiée du client – de son numéro dans la base de données à la manière dont on lui parle – quel que soit le canal et y compris en magasin.

Comme de permettre à chaque personne en contact avec le client de renseigner sa fiche. Imaginez un consommateur qui a passé une commande en ligne chez Décathlon et qui 3 semaines plus tard est identifié en magasin. Le vendeur pourrait enquêter sur sa satisfaction produit et peut-être lui proposer une promotion ou des produits pour accompagner l’achat précédent. Il pourrait aussi, au moment de partir, lui proposer des échantillons ou des promotions qui après la visite en magasin généreraient de la matière à continuer la relation en CRM. Dans tous les cas, le client en ressortirait impressionné d’une relation personnalisée à un degré qu’aujourd’hui il ne connaît tout simplement pas.

-> la data génère une exigence de pertinence extrême de la part du client.

 5)   Sens, lien et valeurs humains sont primordiales.

Et là, Catherine a parlé d’un autre point que j’avais rarement entendu dans ce type de présentation. Elle a expliqué qu’avant de pouvoir donner au client final de l’amour (oui, elle parlait d’amour), il fallait déjà en recevoir. De qui parlait-elle ? Des entreprises et de leurs politiques RH.

logo great place to workElle a interpellé la salle : combien d’entre vous êtes « great place to work », est-ce que vous êtes des « inspiring managers » ?… Alors a flotté comme un vague malaise, comme un questionnement aussi…

-> un besoin accru d’attention et de bienveillance

6)   Ce qui est lisse est sans intérêt 

Nous sommes bombardés de tant de messages. Tellement sollicités. La créativité est une valeur clé du succès et de la relation, et les Marques gagnent à l’encourager, la diffuser dans la société au lieu de la réserver à un nombre restreint.

Catherine a partagé l’exemple d’une vidéo virale : une hôtesse de l’air se lâche à l’atterrissage.
Une démonstration simple et efficace de la manière dont la créativité d’un salarié peut enrichir l’expérience client et la relation à la marque.

-> Il faut « empower » les gens, laisser la place à la surprise, à l’inattendu.

Face à ces nouveaux clients bien sûr le marketeur doit lui aussi changer. Mais pas que lui, non, plus dur : l’entreprise doit changer. Et ça évidemment, on sait à quel point c’est difficile. Catherine a alors demandé à la salle : qu’avez vous déjà changé ? Parce que tout ce que je vous dis là aujourd’hui, vous le savez, je ne vous apprends rien, alors qu’avez vous déjà changé ?

Pour preuve d’exemple : les taxis.
Les VTCs ont beau avoir totalement bouleversé le secteur, nous avons tous fait l’expérience que dans les taxis historiques ça n’a pas vraiment évolué – ou trop peu. Il y a encore trop souvent un chauffeur bougon, une radio à fond sur rire&chansons ou bien le match de foot. C’est vrai quoi c’est fou ! Comment ces gens peuvent-ils ne pas évoluer face à ce qui leur arrive ? Pourquoi ne parviennent ils pas à proposer une autre expérience au nouveau client ?

Alors comment se remettre en question ?

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-> Il faut se demander comment mieux parler au client.

Et pour ça, il faut passer plus de temps avec lui. Pas seulement en faisant une visite magasin de temps en temps, dont on rapportera une remarque sur la taille exigüe de la réserve, mais en exploitant toute cette matière qui est là, à portée de main, tous les jours sur la toile, sur les réseaux sociaux, dans les avis… En l’écoutant.

Et puis passer du temps avec lui dans le temps justement, dans la durée. Les grandes histoires se tissent sur le long terme, pas en one shot.

Il faut également passer de la communication à la relation intime : ne plus parler et penser à ses consommateurs, mais tisser des liens avec son client sur tous les canaux, et y compris – c’est central – dans le magasin.

Pour nourrir la relation client, Catherine a évoqué en exemple les « random act of kindness ».
C’est une tendance sociétale montante reprise pour la première fois par une marque en 2011 : Interflora. Elle envoya gratuitement des fleurs à des gens déprimés qui s’exprimaient sur Twitter, pour leur remonter le moral. Par la suite, KLM a surfé sur la tendance en faisant des cadeaux personnalisés et bien pensés à des voyageurs choisis au hasard et s’apprêtant à voler avec la compagnie. Ou Coca Cola, bien sûr, qui a largement travaillé la « happiness » (plus dans cet article).

Autre point, primordial également dans la relation : l’importance du ton. Là c’est pareil : tout le monde en est conscient, tout le monde trouve ça bien chez les autres, mais que les lignes ont du mal à bouger dans les grandes entreprises. Un exemple tout simple de ce que ça peut donner :

Etiquette "or give it to your mother"

Sorti de l’éternel exemple Michel & Augustin, qui sait faire ça aujourd’hui dans la « vieille » économie ? C’est à juste titre que Catherine clamera « il y a de l’avenir pour les littéraires dans le web », faisant sourire l’assistance.

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Elle a terminé en citant encore d’autres exemples remarquables comme le programme relationnel et d’accueil (exemplaire aux USA) de Sephora. Tiens, saviez vous que le programme relationnel de la marque est totalement globalisé ? (oui, votre carte de fidélité marche là bas. Même Amazon sait pas faire ça!).

Pour conclure en rappelant à la foule son mantra : c’est entre vos mains, faites le, car personne ne le fera pour vous.

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Une belle démonstration, riche, passionnée, enthousiaste et pleine de positivité.

Difficile de la retranscrire ainsi, sans le son et l’image. J’espère néanmoins, malgré le caractère forcément réducteur de ce résumé, avoir fait justice aux éléments essentiels de sa pensée. En tous cas ce fut une inspiration pour tous dans la salle.

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Y’a plus qu’à…

NB : Tweets extraits en majorité de l’article : Les 10 tweets à retenir de l’intervention de Catherine Barba au Digital Marketing Symposium d’Adobe