La musique fait partie intégrante de la publicité

Qu’elle soit en fond sonore pour accompagner une voix qui raconte une histoire, ou à plein volume pour apporter de l’émotion ou de l’énergie, bon nombre de campagnes ont été rendues célèbres par leur bande son. Certains artistes ont même gagné en notoriété grâce à un passage de 30 secondes sur les écrans. The Strokes, Weezer, Lilly Allen, Daft Punk, Eminem ou encore Moby ; autant d’artistes confirmés qui ont bénéficié de l’effet de la communication de masse au travers d’une campagne de marque. Les agences n’hésitent pas à faire appel à des artistes célèbres et talentueux pour illustrer leurs campagnes. Les morceaux choisis, en plus de contribuer à la mémoire associative des consommateurs, apportent une certaine crédibilité à la marque. Ainsi, Bouygues a choisi d’utiliser une partie de « All These Things That I’ve Done » de The Killers pour accompagner toute sa communication, et ce morceau est aujourd’hui un vrai outil de publicité à part entière.

La musique choisie par les publicitaires est une véritable plus value apportée aux campagnes et les créatifs sont en perpétuelle recherche du morceau qui s’accordera parfaitement avec l’image et le story-telling.

Hugo Boss pris en flagrant délit

Pourtant, il y a quelques jours, la maison de disque Young Turks criait au scandale : le morceau utilisé pour le dernier film Hugo Boss, Master The Light, est une version très proche de « Intro » du groupe anglais The XX. Très très proche même. Les articles sur ce supposé plagiat se sont multipliés, et la vidéo a été retirée du site de la marque.

(la vidéo est également disponible ici : http://www.esquire.es/video/2300/hugo-boss-master-the-light)

On sait le plagiat relativement courant dans le secteur musical et publicitaire, certains annonceurs s’étant déjà fait tirer les oreilles, mais la médiatisation de cette affaire pose le problème de la copie artistique dans le domaine créatif qu’est la publicité. Dans le passé, The XX se faisait déjà plagié par Nokia, Audi s’inspirait fortement de Lose Yourself d’Eminem et Microsoft copiait Wake Up d’Arcade Fire.

La liste est malheureusement non exhaustive. Quoi qu’en dise, la similarité n’est pas fortuite. Reprendre une chanson par d’autres musiciens est bien sûr moins coûteux pour l’annonceur et l’agence que de négocier les droits avec l’artiste de l’œuvre originale et sa maison de disque. Cela peut également s’avérer utile pour prendre des libertés quant à l’original, lesquelles seraient soumises à l’accord de l’artiste. De la même manière, pas besoin de s’encombrer avec de la paperasse si l’on choisit de multiplier les supports publicitaires. Enfin, et dernier avantage, recourir à un morceau plagié permet de réaliser un gain de temps considérable et particulièrement appréciable quand une campagne doit être lancée dans un laps de temps très court.

La question du droit

Mais est-ce vraiment illégal d’utiliser ce type de morceaux qui en rappellent étrangement d’autres ? Maître Charlotte Gaist, avocat au Barreau de Paris nous répond : « Le droit français fait une différence entre la copie qui méconnait les droits de l’auteur de l’œuvre originale et pour lesquelles l’annonceur et l’agence peuvent être condamnés à verser des dommages et intérêts et les œuvres dérivées, qui sont des œuvres à part entière insusceptibles de poursuites, parce qu’elles se démarquent substantiellement de l’œuvre originale et traduisent la personnalité de leur auteur. » Autrement dit, les œuvres dérivées sont celles qui s’inspirent fortement d’un morceau déjà existant, mais qui apporte un « petit truc » en plus. Les Juges apprécient souverainement (et subjectivement) le critère.

Une publicité déloyale

Si l’artiste qui a vu ses droits bafoués par un annonceur peut toujours recourir à la Justice, qu’en est-il des autres agences qui, parce qu’elles sont plus respectueuses des droits artistiques, sont nécessairement moins compétitives ? On pourrait considérer que recourir au plagiat est une manœuvre relevant de la concurrence déloyale. Aucune agence ni marque ne s’est jamais tentée dans une telle action, peut-être parce que la sanction arrive d’elle-même. L’affaire Hugo Boss vs The XX nous démontre qu’il est dangereux pour les agences et les annonceurs d’entrer sur ce terrain.