La diffusion au grand public du numérique s’est accélérée ces dernières années. Les enquêtes de l’Observatoire du numérique traduisent parfaitement ce succès. Il ressort notamment que les français ont un équipement adéquat et un usage élevé de l’internet. La France se place dans la moyenne des pays européens, mais on observe un décollage.

Équipements numériques :

  • 82% des français ont un accès à internet depuis leur domicile. En 2002, c’était seulement 22% des foyers. La progression est fulgurante. L’Usage régulier d’internet (au moins une fois par semaine) concerne 78% des Français, contre 91% pour les Pays-Bas. L’Usage quotidien d’internet touche 66% des Français. Chiffres clés 2014
  • L’internet mobile confirme sa percée : 30% des particuliers de 16 ans et plus en France utilisent une connexion via un réseau de téléphonie mobile pour connecter leur appareil mobile à Internet, contre 23% dans l’UE et contre 56% en Suède. Enquête communautaire 2013
  • Pour les infrastructures du numérique, la France occupe une très bonne position sur les connexions à haut débit : elle se situe au 5e rang européen pour le ratio abonnements à haut débit par 100 habitants, soit 37% contre 28% dans l’UE. Enquête communautaire 2013

Usages du numérique :

  • 59% des particuliers ont acheté des biens ou services en lignes sur la période étudiée, contre 47% des particuliers dans l’Union Européenne. Enquête communautaire 2013
  • L’administration numérique progresse bien en France, puisque 60% des particuliers et 96% des entreprises utilisent internet dans leurs relations avec l’administration, contre 41% et 88% dans l’UE. Enquête communautaire 2013
  • Les usages en entreprises sont plus contrastés et une marge de progression existe encore pour la possession d’un site web. Enquête communautaire 2013

L’ère du numérique est arrivée avec des équipements moins coûteux, un marché à forte concurrence et le développement des usages. La possession d’un ordinateur n’est plus un enjeu. Internet se massifie. Le nouvel enjeu, c’est l’internet mobile.

Le numérique, entendu comme l’ensemble des équipements permettant le passage à Internet et l’ensemble des services associés, est entré dans la vie des français. La France est devenue une société numérique. Quels sont les facteurs de cette transformation?

Un numérique séducteur : le marketing au renfort de la technologie.

Le succès du numérique peut d’abord s’expliquer par un procédé de miniaturisation des objets numériques qui sont devenus conviviaux. Steeve jobs a été visionnaire : il a pensé l’informatique comme un objet convivial. C’est penser les objets par les usages. Apple a changé la vision de l’informatique avec la conception assistée par l’usage.

Les avancées technologiques de l’informatique, conjuguées avec une meilleure prise en compte de l’utilisateur dans le développement d’interfaces numériques toujours plus simples, interactionnelles et esthétiques, ont permis d’ouvrir des pratiques numériques jusqu’alors restreintes à un public d’informaticiens.

Cette démocratisation des outils et des pratiques s’est faite à grand renfort de marketing. Internet arrive en France en 1994 mais ne prend son essor que plus tard. Apple ne devient pas spontanément une méga-marque. La culture numérique a lentement gagné la guerre du marketing.

La diffusion grand public des médias numériques ne peut dès lors se réduire à un déterminisme technique. Quelque chose dans la société a favorisé la réception de ces outils. En 20 ans, 1993-2013, nous avons basculé dans le monde numérique. On peut comparer la situation à la diffusion de l’imprimerie en Europe entre 1450 et 1500.

Ces délais montrent bien que la seule innovation technique n’est rien avant d’être pleinement reconnue dans les usages comme une innovation sociale.

Entrée dans une société de l’information : les facteurs extrinsèques.

Le rapport Nora-Minc sur l’informatisation de la société en 1978 est une photographie prospective de la société actuelle fondée sur l’informatique et les télécommunications. Cette informatisation a conduit à une société de l’information, de l’outil d’information et des données. Une société de la connaissance où la valeur est tombée sur l’information.

La première des raisons, c’est la mondialisation qui conduit à une nouvelle phase du capitalisme, le néo-libéralisme, et au passage à une économie de services. En tant que média vierge, sans frontières et sans règles, Internet a incarné plus que n’importe quel autre espace le néo-libéralisme et symbolise bien cette époque.

La privatisation et la fin des monopoles dans le secteur des télécoms aux États-Unis et les politiques de dérégulation conduites en parallèle par la CE et les pays du sud ont préparé les économies à cet avènement. Enfin, la Financiarisation de l’économie a achevé de déconnecter les flux financiers des réalités matérielles.

Au niveau politique, la disparition des idéologies a permis d’imposer un système unifié pour internet et d’ouvrir le réseau en remettant un peu plus en cause le rôle des états. Contrairement aux états, La démocratie profite de ces outils pour développer des modèles participatifs qui pourraient la sortir d’une situation de crise déjà éprouvée.

Enfin, les sociétés occidentales ont connu d’importants changements dans les systèmes éducatifs avec une population plus éduquée, confrontée à la formation continue. Le développement des MOOCs est une réponse à cette évolution. L’élévation du niveau de vie a également développé une société des loisirs qui met l’individu au cœur de l’économie.

Homo numericus : Un nouvel individu accueille le numérique dans sa vie.

D’un point de vue sociologique, les années 80 ont conduit à un changement de valeurs sociales avec le triomphe de l’individualisme et de nouveaux modèles familiaux éclatés. Cette décennie est le ferment de toute la société actuelle avec une critique du modèle classique et du patriarcat, l’émancipation des femmes et l’autonomie des individus.

Ces outils numériques favorisent l’individualisme. Au départ très chers et donc mis en commun, ils sont pourtant conçus comme des outils individuels. Aujourd’hui, le lien affectif à un mobile ou à un portable est avéré et il va aller en s’accentuant avec les objets connectés portatifs devenant une excroissance de leur propriétaire.

Conçus comme le prolongement de l’individu, ces outils lui ont donné l’opportunité de se créer une nouvelle identité numérique, parfois en opposition à une identité réelle. Elle va constituer une échappatoire pour l’individu dans une société en manque de repères. Cette situation fait émerger une nouvelle culture psychologique : la quête de soi.

Les communautés numériques, la blogosphère, puis le web 2.0 apportent un élément de réponse en ce qu’ils vont donner à l’individualisme la possibilité de se connecter. L’individu devient le noyau central de la société de services et de cette société de l’information. Sa croisade pour la quête du lien social sera désormais numérique.

En si peu de temps, le numérique est devenu un mode de vie, un idéal de transformation vers des sociétés dématérialisées, un puissant instrument de socialisation et presque une extension de nous même. Les discours idéologiques sont nombreux et contribuent puissamment à l’idée que nous allons rater quelque chose en nous déconnectant.

Le virtuel est désormais aussi important que le réel. Cet espace virtuel modifie l’individu, contracte sa perception du temps, de l’espace et des liens sociaux. Il donne des modèles de société. C’est un véritable séisme au niveau cognitif qui reconfigure l’être humain et la culture humaine, nous parlerons de plus en plus des « digital humanities ».

Une vision européenne du phénomène sur le site de la Commission.