C’est un fait : l’usage des paiement électroniques, et même des cryptomonnaies telles que bitcoin (BTC) et ethereum (ETH) ont augmenté fortement au cours de la pandémie de coronavirus. Un fait notamment dû à l’aversion qu’a pu susciter un moyen de paiement physique tel que le cash, dans un monde qui invite à éviter tous contacts, directs et indirects. Rien qu’au Royaume-Uni, le nombre de vendeurs utilisant uniquement les paiements numériques cette année est passé de 8% en février à 50% en avril, stabilisé à environ 33% en août. Certes, mais le cash pourrait-il totalement disparaître pour autant ? Au profit de la monnaie numérique, oui. C’est l’hypothèse formulée par la Deutsche Bank, dans un rapport (pdf) publié en novembre.
La banque a déclaré que la pandémie COVID-19 en cours avait accéléré la “révolution de la monnaie numérique”. En effet, les gens ont été contraints d’utiliser des options de paiement alternatives, en raison des craintes du virus. “La gestion de l’argent liquide a fait l’objet d’un examen minutieux pendant la pandémie, car diverses études ont montré comment les virus peuvent coller à l’argent pendant des jours ou des semaines”, peut-on lire dans le rapport. “Les verrouillages mondiaux et les mesures de distanciation sociale n’ont fait que motiver l’utilisation accrue des cartes plutôt que des espèces”, spécifie-t-on plus loin. Bien qu’une MNBC ait des caractéristiques propres, elle partage avec le paiement par carte le fait d’utiliser une monnaie stockée virtuellement.
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Le rapport reconnaît la grande avance de deux pays, dans la course à la MNBC : la Chine et la Suède.”Ils ont trois facteurs en commun : les deux pays ont adopté pendant de nombreuses années les paiements numériques ; les paiements en espèces dans les deux pays diminuaient bien avant le covid ; et leurs gouvernements jouent un rôle central dans la promotion et le soutien d’une infrastructure de paiement numérique”, a expliqué la Deutsche Bank.
La banque a appelé les États-Unis et l’Europe à “rattraper” la tendance des MNBC, arrivées aux étapes de finition en Chine, où la Banque Centrale l’a récemment légalisée. La Deutsche Bank met ainsi en garde les décideurs européens sur les risques de ne pas développer leur propre monnaie numérique rapidement, face aux ambitions chinoises : “Si les pays ne rattrapent pas leur retard, ils pourront constater que leurs entreprises seront obligées d’adopter les monnaies numériques et les politiques d’autres pays comme moyens de paiement”. Rappelons, à ce stade, que la Banque Centrale Européenne travaille actuellement sur l’euro numérique, sur lequel elle consulte ses citoyens jusqu’à la fin de l’année afin de s’enquérir des préoccupations et des priorités de chacun. Quant à une potentielle décision sur un projet d’émission, elle n’interviendra pas avant 2021.
“Alors que l’UE a évoqué la nécessité d’une transformation numérique, ses efforts à ce jour ont été décevants”, dit le rapport. L’Europe est souvent décrite comme lente sur ses recherches et tests sur la monnaie numérique, certes, mais il faut dire que l’enjeu est de taille. “Mon intuition est que cela va venir” déclarait il y a quelques jours Christine Lagarde à propos de l’euro numérique, ajoutant qu’une véritable mise en circulation ne pourrait voir le jour que dans 2 à 4 ans. Selon elle, la principale raison à cela est la difficulté d’une mise en place qui englobe tous les enjeux, et prend en compte toutes données souhaitables à adoptées pour un outil de paiement fiable, sécurisé, rapide et éthique. La Chine, comme on le rappelle souvent, travaille sur son yuan numérique depuis des années : il n’est pas si surprenant qu’elle atteigne aujourd’hui le bout du processus. De plus, la confidentialité et les principes éthiques appliqués aux technologies sont des idées quelque peu plus répandues en Europe qu’en Chine, et rendent plus difficile un compromis technique.
Le rapport indique ainsi que les préoccupations moindres concernant l’anonymat et la traçabilité en Chine (un dixième des participants chinois à l’enquête s’en préoccupent, contre 21% de Britanniques, 22% d’Américains, 29% de Français et 42% d’Allemands) sont la raison pour laquelle le pays est en capacité de réaliser sa a transition vers la monnaie numérique.
Pour l’instant, selon la Deutsche Bank, la priorité de l’Europe doit être sur les systèmes de paiement numériques à petite échelle, afin de “renforcer l’euro et maintenir une position de souveraineté dans les données”, données qui mènent ces temps-ci le continent au contentieux avec les GAFAM. À terme, l’euro numérique pourra s’envisager ; il nécessitera une minutie impeccable dans son design et les réglementations qui l’accompagnent, dans laquelle les banques centrales, les gouvernements et le secteur privé devront collaborer. De grands défis attendent donc une Union déjà bien occupée dans ses tentatives de réponses sanitaires, économiques et sociales à la crise que traversent ses membres.