Le Social Listening (ou l’écoute du consommateur sur les médias sociaux) est apparu courant des années 2000 et de nombreuses transformations ont émaillé ce secteur, notamment en 2018. Elle fut l’année de la concentration avec plusieurs rapprochements et rachats stratégiques entre les éditeurs, structurant le marché autour d’une dizaine d’acteurs. Néanmoins, les solutions SaaS de Social Listening utilisées par les directions marketing reposant sur des data appartenant aux réseaux sociaux, qu’en est-il de leur avenir ? Comment les outils s’adaptent-ils à une data devenue plus rare et plus onéreuse ? L’un d’eux peut-il en sortir grand gagnant, et devenir le leader incontesté ?
Les premiers acteurs du Social Listening émergent avec le web 2.0 et les premières crises (« bad buzz », comme pour Dell en 2005). L’arrivée du premier iPhone en 2007 et l’expansion progressive des réseaux sociaux comme Facebook et Twitter rendent le consommateur ultra connecté. Pour se prémunir et comprendre les tendances de demain, les marques s’équipent progressivement d’outils à la fois dans une optique de surveillance (monitoring de l’e-reputation) et d’écoute (détection d’influenceurs et d’insights).

Première ère de transformation

Le début des années 2010 marque une course à la croissance pour les acteurs du Social Listening avec les premières levées de fond. Les objectifs sont divers, comme le développement R&D, l’absorption d’un concurrent, ou encore l’ouverture de marchés à l’international… En 2011, le leader s’appelait Radian6. Salesforce suivant sa stratégie de Suite Solution en prend le contrôle pour plus de 270 millions de dollars, et finira par l’intégrer complètement à sa brique Marketing Cloud. Radian6 mastodonte américain du monitoring n’est plus.

Les autres acteurs continuent quant à eux de se spécialiser sur le Social Listening dans une stratégie Single Point Solutions (ou « Best of Breed » pour les directions marketing qui choisissent un ensemble de logiciels interconnectés étant chacun les meilleurs de leurs catégories). Les français sont à l’honneur, avec Synthesio qui lèvera 14 millions en 2014 pour se lancer à la conquête des Etats-Unis, rejoint une année plus tard par Talkwalker. Linkfluence absorbe son concurrent TrendyBuzz, et fera le choix de l’Asie. La concurrence étrangère n’est toutefois pas en reste, Brandwatch lève 6 millions, puis 22 et encore 33 entre 2012 et 2015. Crimson Hexagone quant à lui fera 7 tours de table jusqu’en 2016 pour un total de fonds levés supérieur à 30 millions de dollars.
En outre, les acteurs bénéficient à cette époque de politiques relativement «ouvertes» des réseaux sociaux pour l’accès aux data. Meilleur exemple, le coût de l’exhaustivité Twitter n’est pas un frein pour la majorité des éditeurs.

2018, une année de profondes mutations

En 2018, le Social Listening est entré dans une nouvelle phase concentrant encore d’avantage le marché. Plusieurs acteurs ont changé d’actionnariats : Mention a été rachetée par le suédois Mynewdesk, Talkwalker est passée sous contrôle américain et Synthesio a rejoint Ipsos. Nous pouvons noter 2 rapprochements notables : Meltwater et Sysomos qui ont uni leurs forces, et surtout Crimson qui a rejoint Brandwatch. Enfin, Cision a racheté Falcon.io, et Linkfluence scoop.it.
Nous pouvons également évoquer des mouvements dans des secteurs proches. Par exemple Lithium, qui après avoir acquis Spredfast, pourrait être tentée par un acteur du Social Listening pour compléter sa Suite, tout comme Sprinklr.

Et demain, quel avenir ?

Comme nous l’évoquions en début d’article, la donne a changé et l’accès aux data est de plus en plus complexe.
Récemment, Instagram a fermé son API et forcé les acteurs a discuté directement avec lui. Nous prédisons que les volumes de data remontés vont diminuer d’environ 40%, malgré les promesses des différents éditeurs d’avoir “la meilleure intégration Instagram du marché”. Twitter ayant retrouvé une santé financière, met également en place une politique plus stricte de partenariats, et instaure une barrière à l’entrée de plusieurs millions. Ceci est capital sur le marché, Twitter représentant plus de la moitié des data collectées par les outils de Social Listening. Après l’affaire Cambridge Analytica, le prometteur projet Pylon de Facebook (commercialisation de data des utilisateurs de manière anonymisée) est arrêté.
Faisant face à une data plus rare mais aussi plus chère, la data d’ores et déjà collectée et stockée par les outils devient alors d’autant plus précieuse. Les acteurs l’ont bien compris et misent sur des add-on de leurs produits. Nous voyons ainsi apparaître :

• Des offres de Search (recherches “proches de google” sur des archives Social Media)
• Des offres de détection et de classification d’Influenceurs Marketing
• Des offres de Social Media Analytics (performance des publications des marques sur les réseaux sociaux)

A la vue de ces différents éléments, nous pouvons prédire que l’effet de concentration du marché a toutes les chances de se poursuivre, le réduisant à une poignée d’acteurs pouvant déployer à l’international et supporter la nouvelle donne du coût de la data. Si jusqu’à présent les Single Point Solutions ont tiré leur épingle du jeu, les Suites Logicielles n’ont pas encore dit leurs derniers mots.

Aussi de nouveaux réseaux sociaux et de nouveaux usages peuvent apparaitre (difficilement prévisibles), faisant émerger ou survivre des acteurs moins importants mais encore plus spécialisés. Egalement, il existe encore de nombreux acteurs locaux qui profitent des spécificités d’un pays pour proposer un outil de Social Listening plus performant à cette échelle. Certaines directions marketing au sein d’un groupe mondial pourraient laisser le choix au pays de garder une solution SaaS locale. Enfin, si les marques auront toujours besoin d’un logiciel, elles ont aussi besoin d’être accompagnées et conseillées au quotidien pour exploiter au mieux cette data. Ainsi, cela laisse des opportunités de transformation pour les acteurs du Social Listening, mais aussi des possibilités pour d’autres types d’acteurs.