Une cible toujours plus précise, une connaissance client affinée, des messages personnalisés… Le marketing devient une discipline chirurgicale, notamment grâce à la donnée récupérée auprès des consommateurs. Ce modèle – évidemment bénéfique aux entreprises – volerait également au secours d’un client aujourd’hui encore bombardé de messages qui ne l’intéressent pas. Pourtant, le grand public a une position ambivalente sur le sujet.

Le data marketing est directement lié à l’émergence des nouvelles technologies, notamment celle d’internet et de son utilisation croissante par les consommateurs. Le terme, apparu dans les années 2000, est né de la prise de conscience de l’importance des données clients.

Aujourd’hui, les entreprises n’ont jamais possédé autant d’informations sur leurs consommateurs. Ces données, bien exploitées, peuvent devenir une vraie mine d’or. La segmentation démographique et géographique est depuis longtemps exploitée. Mais de nouvelles pratiques, notamment l’utilisation de services en ligne, permettent d’obtenir des données comportementales : comment un futur consommateur navigue sur le site internet ? s’est-il inscrit à une newsletter ? est-il fan de la page Facebook ? quels sites a-t-il consultés ?

L’enjeu d’obtenir et de recouper toutes ces données est de pouvoir proposer la bonne offre, au bon moment et à la bonne personne. Ceci s’inscrit dans l’intérêt de l’entreprise qui, de cette manière, peut augmenter ses ventes. C’est également un bénéfice pour le consommateur qui, à terme, ne peut recevoir que des offres pertinentes.

Selon Digital Trends, 73 % des consommateurs préfèrent les entreprises qui savent exploiter leurs données personnelles pour rendre leur expérience d’achat ciblée. Une étude d’Accenture menée cette année montre également que 54 % des Américains aiment recevoir des suggestions d’achat en ligne. Cette même étude démontre que le principal intérêt de la personnalisation est l’accès à des promotions exclusives.

Le data marketing serait donc à la fois bénéfique pour les entreprises et ses clients. Et pourtant, même si selon certaines études les consommateurs préfèrent les expériences d’achat personnalisées, ceux-ci ont une position frileuse en ce qui concerne la récolte de leurs données.

Une expérience personnalisée ? Oui ! Récolter les données ? Non !

Alors même que les consommateurs préfèrent recevoir des offres ciblées, ces derniers ne sont pas toujours prêts à fournir leurs données personnelles. Elles sont pourtant indispensables à la personnalisation de l’expérience.

Selon une étude d’Adobe et de PageFair, la peur de voir ses données personnelles mal exploitées est la première raison de l’utilisation de bloqueurs de publicité.

L’étude d’Accenture révèle que seulement 14 % des internautes sont prêts à livrer leur historique de navigation90 % aimeraient limiter l’accès à certaines de leurs données et aimeraient ne pas les voir revendues à des tiers. 88 % aimeraient déterminer comment leurs données sont utilisées.

Bref, les consommateurs veulent contrôler leurs données. Et ceci pourrait en partie passer par des dispositions législatives adaptées.

L’Union européenne veut légiférer sur la protection des données. Moderniser le cadre juridique, renforcer les droits des individus et améliorer la clarté et la cohérence de la protection européenne sont quelques-uns de ses objectifs.

En France, c’est la CNIL qui est chargée de la protection des données des citoyens. La Commission rappelle les obligations fixées par la loi Informatique et Libertés : assurer la sécurité des fichiers, la confidentialité des données, être en mesure d’informer les personnes concernées, etc.

Cependant, l’enquête Cash Investigation diffusée le 6 octobre 2015 sur France 2 a démontré que les entreprises n’hésitent pas à outrepasser ces règles. Dans un univers technologique évoluant très rapidement, la loi est difficilement appliquée. On peut également imaginer les amendes trop peu dissuasives au regard des enjeux économiques latents à la transaction de données.

Un mot d’ordre : rassurer

Les consommateurs gagnent à livrer leurs données personnelles. Mais pour ne pas les laisser penser qu’ils signent un pacte avec le diable, les entreprises doivent rassurer.

Première évidence (et obligation légale) : laisser le consommateur décider de la vente ou non de ses données personnelles à des tiers. L’entreprise qui récolte ces informations doit évidemment s’engager à ne pas le faire en cas de réponse négative.

Pour plus de transparence, pourquoi ne pas mettre à disposition du client toutes les données dont l’entreprise dispose, à la manière de Facebook ? Pour aller plus loin, pourquoi ne pas laisser un consommateur corriger voire supprimer des données qu’il considère comme trop personnelles et interdire leur récolte à l’avenir ?

Le premier enjeu est celui de la transparence : l’entreprise doit clairement exposer qu’elle récolte des données et doit préciser leur nature. Le second enjeu est celui de la pédagogie : il faut expliquer pourquoi ces données sont récoltées et comment elles seront exploitées.

En somme, les données récupérées auprès du consommateur peuvent effectivement être à la fois bénéfiques pour l’entreprise et pour le client. Mais l’entreprise, disposant de cadres légaux suffisamment clairs, doit aussi s’engager à respecter les décisions du client et faire preuve de transparence.

Le data marketing est efficace, mais inquiétant. On pourrait même penser que le data marketing est inquiétant parce qu’il est efficace. À terme, le consommateur ne pourrait-il pas avoir « peur » d’une entreprise qui le connaît si bien qu’elle deviendrait capable de lui soumettre des propositions tellement pertinentes qu’elles en deviendraient irrésistibles ? La question reste ouverte.