« Toutes les entreprises, quel que soit leur secteur d’activité, peuvent réussir sur les réseaux sociaux. » On lit souvent cet argument, parfois commercial. Mais est-il vérifié ? La question mérite d’être posée.

B2B ou B2C, industriel ou tour operator, pizzaïolo ou e-commerce… Qu’importe le secteur d’activités, toutes les entreprises peuvent réussir sur les réseaux sociaux. Est-ce bien vrai ? Essayons de comprendre si le secteur d’activité peut influer sur la réussite d’une entreprise.

« Qu’est-ce que la réussite ? » : Vous avez quatre heures

La première question à se poser est de savoir ce qu’est la réussite d’une marque sur les réseaux sociaux. La finalité d’une entreprise est de générer et de fidéliser des clients. En simplifiant les choses, nous pouvons dégager trois grandes étapes nécessaires à l’atteinte de cet objectif :

  1. La construction d’une audience. Sans audience, impossible de générer des prospects. L’audience est nécessairement relative au poids économique de l’entreprise en question. 2000 fans peuvent représenter 20 clients potentiels, ce qui peut déjà faire une différence pour un petit commerce.
    Cette audience est générée en suscitant l’adhésion à la marque (ce qui dépend de la qualité de votre service ou produit) mais dépend également de la qualité des contenus partagés.
  2. Sa fidélisation. Cette audience, que vous vous efforcez de constituer tous les jours, doit être fidélisée : interactions, partage du User Generated Content, réponse aux sollicitations, etc. La qualité du contenu est également importante durant cette phase : bons plans, réductions, nouveautés. Un prospect doit être suffisamment exposé à la marque pour être transformé en client.
  3. Sa transformation. Cette dernière étape est difficilement remplie si on ne passe pas par les deux précédentes. La transformation se fait sur un temps plus ou moins long selon votre produit. Le partage de la photo d’un tee-shirt accompagné d’un lien vers l’e-boutique peut être suffisant pour déclencher l’acte d’achat. Mais un prospect peut également suivre l’actualité d’une entreprise durant des mois avant de devenir client. Il ne faut également pas oublier que les réseaux sociaux ne sont qu’un rouage parmi d’autres dans la complexe machinerie de la transformation.

Les ressources allouées aux réseaux sociaux sont importantes pour remplir ces trois objectifs, mais pas suffisantes. Quelques observations peuvent laisser penser que le secteur d’activité joue positivement ou négativement sur les chances de réussite. Exemple avec les marques de grande distribution sur Facebook.

Ces secteurs d’activités qui mobilisent difficilement : l’exemple de la grande distribution

Carrefour, Leclerc, Système U et Intermarché sont quatre groupes qui se partagent plus de 60 % du marché de la grande distribution alimentaire en France en 2012.

Déjà fortement ancrées dans le quotidien des Français, ces marques sont aussi celles qui investissent le plus les médias (radio, affichage, télévision, presse) avec une hausse de 7,4 % de leurs dépenses en 2014.

Et pourtant… Sur Facebook, les quatre géants de la grande distribution n’obtiennent pas une audience équivalente à leur notoriété. 335 000 : c’est leur nombre moyen de fans en octobre 2015.

Pour comparer, j’ai choisi quatre autres marques également françaises, dans des domaines que je jugerai plus « sexy » : la beauté, le tourisme, l’alimentation et la mode. Ainsi, Nocibé, Transavia, Danette et Naf Naf obtiennent à eux quatre une moyenne de 815 000 fans.

Un écart étonnant puisque ces marques sont bien moins présentes dans le quotidien des Français, d’autant plus que deux d’entre elles (Nocibé et Naf Naf) ne s’adressent qu’à un public féminin.

Le secteur d’activité d’une entreprise influerait donc positivement ou négativement sur sa capacité à engager sur les réseaux sociaux. Et c’est normal, puisque la dynamique du média social s’appuie sur l’affect.

Une marque qui génère de l’émotion, en mobilisant l’esthétique, le goût ou l’expérience, construit une identité et engage plus facilement avec ses publics. C’est le cas des entreprises du secteur de la mode, de l’alimentation ou du voyage par exemple.

La grande distribution ne peut s’appuyer que difficilement sur ces grandes catégories et revêt plutôt une image utilitaire. Pour preuve, les campagnes de communication abordent d’abord l’argument prix.

[youtube https://www.youtube.com/watch?v=snfu_u0QYSw]

On ne va pas faire ses courses chez Leclerc plutôt que chez Carrefour (ou le contraire) parce que l’expérience y est meilleure. Une enquête du Crédoc montre qu’on choisit un commerce d’abord pour sa proximité géographique et ensuite pour les prix qui y sont appliqués.

Ces marques, mobilisant assez peu d’émotion et d’attachement, sont choisies rationnellement par leurs consommateurs. Ce manque d’attachement se répercute mécaniquement sur les réseaux sociaux, expliquant la difficulté de ces entreprises à conquérir une audience : la première étape n’est donc pas remplie !

Banques et assurances : des secteurs sensibles

Alors que la grande distribution mobilise peu d’émotions, d’autres secteurs en mobilisent trop… et malgré eux ! C’est le cas des banques et assurances dont les pages Facebook ressemblent parfois à un vaste bureau des plaintes. Les consommateurs mécontents, impatients, lassés et malintentionnés s’y succèdent.

Fb-Banque-Assurance

Exemple d’une personne « dans la merde », et qui le fait remarquer

Certaines pages ne comptent pratiquement que des commentaires négatifs. Et les entreprises réagissent à toutes ces réclamations en mettant en place des systèmes de service après-vente. Axa, par exemple, a créé une page dédiée au SAV.

SAV de Axa sur Facebook

Le SAV est essentiel, personne n’en doute. Mais on ne transforme pas de prospects en clients par ce biais. Et pour cause, seuls les clients mécontents y prennent la parole alors que la majorité satisfaite reste silencieuse. Difficile de construire une image positive dans cette situation… C’est ici la troisième étape, celle de la transformation, qui est largement impactée par les commentaires négatifs.

Mais ces entreprises n’ont pas le choix : elles sont soumises au pouvoir de leurs publics qui peut s’exprimer, qu’elles soient présentes ou non sur Facebook. Dans ce cas, mieux vaut offrir un espace aux réclamations tout en montrant qu’elles sont traitées.

La réussite : une alchimie compliquée

Grande distribution ou banques et assurances : ces deux exemples révèlent la difficulté de certaines entreprises à générer de nouveaux clients via les réseaux sociaux.

Ça n’est ni un manque de professionnalisme ni de moyens qui explique cette situation. C’est plutôt le résultat d’une alchimie complexe qui mêle la nature du secteur d’activités, sa structuration et la relation qu’entretient une entreprise avec ses publics.

Les réseaux sociaux n’influent que marginalement sur la situation construite « In Real Life » par l’entreprise. Ils ne font que la calquer numériquement.

La relation qu’on entretient avec les grands distributeurs, qui est très détachée, l’est également sur les réseaux sociaux. Nous ne nous adressons la plupart du temps à nos banques et assurances que lorsque nous avons un problème. C’est également le cas numériquement.

Il faut donc garder à l’esprit que les réseaux sociaux ne sont que le reflet d’une réalité qui est à construire concrètement par l’entreprise au travers ses produits et services.