Nous étions la semaine dernière au Hubforum, une édition riche en discussions centrées sur la transformation numérique, le big data et le digital. Si bien qu’à force de ne parler que de ça on fait justement une overdose de data. Mais parmi tout le programme, j’ai fait le très bon choix d’assister au workshop sur la communication de crise animé par le cabinet Bolero et Netino. Un workshop que j’ai particulièrement apprécié pour deux choses : les speakers n’ont pas parlé de leur boite (c’est rare) et nous ont donné des clefs pour agir en cas de communication de crise, le tout illustré par des exemples très parlant.

Que faut-il retenir des bad buzz ?

Caroline Faillet et Jérémie Mani sont revenus sur plusieurs bad buzz de l’année 2015 et leur explications plus ou moins bancales :

  • o-NUMERICABLE-facebooktefalTefal et sa publicité sur la violence conjugale : l’excuse du bidon du stagiaire de l’agence de pub…

  • MonoprixLa pub sexiste de Numéricable : qui a réagi en dégainant une autre pub clichée sur les hommes…

  • Monoprix avec son étiquette à destination des handicapés : une erreur de PLV qui a couté au community manager de Monoprix de s’excuser individuellement auprès de chaque personne outrée

  • Vitaforme et son jugement des moches : l’entreprise a soutenu sa campagne sur Facebook en appuyant son message humoristique et second degrévita-liberte1-600x454

  • Ou Yves Rocher et son ouverture en Israël : contexte géopolitique fort dont l’entreprise n’est pas coupable, elle a donc attendu que le soufflet émotionnel retombe

Dans tous les cas, on remarque que la crise est toujours engendrée par un fait générateur (erreur, accident, plainte) et un contexte à risque (géopolitique, discrimination, insatisfaction client). Mais si elle n’est pas bien gérée, cette crise peut avoir des conséquences importantes et durables sur la réputation de l’entreprise, son image et son activité commerciale.

La bonne maitrise d’une communication de crise

En cas de communication de crise dans votre entreprise, il est recommandé d’analyser la crise et si possible de la prévoir. Par exemple, il était évident pour Vitaforme qu’il y allait avoir des critiques après la publication d’une publicité avec un message si extrême.

Il faut avant tout se poser les bonnes questions : Êtes-vous responsable ou non ? Quelles sont les causes de la crise ? Quelle est l’ampleur de l’impact émotionnel dans l’opinion ? Dois-je réagir maintenant ou tout de suite ?

Pour toutes ces questions, Bolero a une réponse construite et bien pensée : il faut évaluer le risque, construire les bons messages, adopter la bonne attitude et utiliser les bons outils.

Des do’s and don’ts repris dans cette infographie très utile :

infographie bad buzz 2015

Interview de Caroline Faillet, co-fondatrice de Bolero, sur l’affaire Volkswagen

Caroline_Faillet_BOLEROC’est la crise du moment. Volkswagen ne peut pas rester muet, mais on se demande tous quelle est la stratégie – si tant est qu’il y en ait une – de communication du constructeur. Nous avons interrogé la spécialiste Caroline Faillet à ce sujet à la suite du workshop. 

Ce scandale était-il prévisible ?
Il est souvent utile de distinguer le contexte externe à la crise, le
combustible, et le fait générateur, qui met le feu aux poudres. Cela permet
d’identifier qu’un contexte historique, sociologique, idéologique a créé un
terrain propice à la crise qui forme une sorte de « preuve sociale » et vient
légitimer la crise. C’est ainsi que certaines entreprises deviennent le
bouc émissaire de tout un système.
 Le cas Volkswagen survient après de nombreux scandales industriels qui ont
écorné le capital confiance des entreprises, mais aussi de la parole
scientifique et politique (sang contaminé, amiante, vache folle et, plus
récemment, viande de cheval, etc.). Cependant, l’industrie automobile
allemande semblait justement jouir d’une réputation de fiabilité sans faille
et même la coopération de Volkswagen avec l’Allemagne nazie paraissait
n’avoir plus aucun impact dans la mémoire collective. L’affaire Volkswagen
surgit sur un contexte « réputationnel » vierge et va donc créer un précédent
non seulement pour l’industrie automobile, mais sans doute aussi pour toute
l’industrie allemande. C’est en ce sens que cette crise est un traumatisme :
elle crée le terreau fertile pour de multiples futures crises.

Quel impact émotionnel à cette affaire sur l’opinion publique ?
Décortiquer la crise Volkswagen est rapide : la responsabilité est
clairement établie puisque Volkswagen reconnait les faits qui lui sont
reprochés dès la révélation de l’affaire et même, donne plus de détails sur
l’ampleur de la supercherie en annonçant le chiffre de 11 millions de
véhicules concernés. Du point de vue de la dimension émotionnelle, nous
sommes évidemment dans le cas d’une crise qui touche particulièrement les
gens : parce que le public se sent trahi, parce que c’est toute l’image de
l’entreprise allemande qui est en jeu, parce qu’il est question de santé
publique. Cette dimension est fondamentale, car l’émotion agit comme un
catalyseur qui démultiplie les retombées, mais aussi favorise la mémorisation
de la crise dans l’opinion. Or cette dimension est systématiquement
sous-estimée et Volkswagen en est l’illustration.
 
Que pensez-vous de la réaction du constructeur automobile à la crise ?
Dans ce genre d’affaire à fort impact émotionnel, la posture est un facteur
d’apaisement ou au contraire d’aggravation de la crise. La posture est à
étudier sur les deux facettes de la crise : la manière dont l’organisation
traite le fait générateur et celle dont elle gère la dimension émotionnelle.
Sur le fait générateur, Volkswagen a fait un sans-faute : reconnaissance
explicite, clarification immédiate du nombre et du type de véhicules
concernés, révélation de la manière dont l’entreprise a faussé les tests.
En revanche, sur la dimension émotionnelle, l’entreprise prend le risque de
ne pas désamorcer certaines bombes à retardement dans son lien avec le
public. Certes la dimension symbolique de la prise de parole du plus haut
niveau hiérarchique, son PDG Martin Winterkorn, puis la démission de
celui-ci, sont à la hauteur de l’événement. L’entreprise n’a pas non plus
manqué de s’excuser publiquement auprès de ses clients. Mais le volet
français de ces déclarations manque cruellement d’empathie. De froids
communiqués de presse sont relayés par de sobres « Volkswagen France vous
informe » sur Facebook et Twitter. Pour gérer les deux facettes de la crise,
il est souvent utile de s’appuyer sur deux porte-parole, l’un ayant pour
rôle de revenir sur les faits et donc d’éteindre la cause de la crise,
l’autre portant un message d’empathie auprès du public et des victimes. Dans
le cas de Volkswagen, il eût été bienvenu que le patron français assume ce
rôle auprès de ses millions de clients en nous montrant un « humain » plus
qu’un communiqué. 

En occultant la réalité de l’opinion, Volkswagen affiche une forme de déni
qui vient contredire les belles déclarations de l’Allemagne.

Volkswagen pense épargner ses clients en abordant la crise que sur le volet
corporate. Mais le public n’est pas cloisonné comme le sont les services
d’une organisation. En ignorant l’émotion du citoyen-consommateur,
Volkswagen affiche, sans doute malgré eux, une forme de mépris qui leur
coûtera, j’en suis sûre, plus de points d’image, que le fait d’avoir trompé
les autorités de contrôle.

Merci beaucoup Caroline !