D’après la célèbre maxime que tout le monde du web connait : “Quand c’est gratuit, c’est vous le produit”. C’est pour assurer cet accès gratuit que de nombreux sites d’éditeurs d’informations se rémunèrent en grande partie grâce aux publicités. Le problème est qu’un nombre de plus en plus important d’internautes apprécie la gratuité, mais sans contrepartie.

L’utilisation des bloqueurs de publicité, également appelés adbloqueurs, est de plus en plus courante. D’après Clubic pro, 5% à 6% des publicités en ligne sont filtrées par ces outils que les internautes installent sur leur navigateur (sous forme de plugins) ou par des fonctionnalités natives, comme sur la Freebox. Cela pourrait monter jusqu’à 40% de filtrage sur des sites spécialisés où les visiteurs sont des experts du digital, de la high-tech, des jeux vidéos, etc.

Une bataille à mort entre éditeurs et adbloqueurs

Du point de vue des internautes, les adbloqueurs sont salvateurs. Si les bannières et autres pre-roll se sont améliorés depuis le début des Internets, beaucoup d’utilisateurs trouvent toujours la publicité envahissante. Du point de vue des éditeurs, les adbloqueurs sont un vrai problème puisqu’ils diminuent leur rémunération, font chuter le prix des publicités et menacent donc directement leur survie. Particulièrement pour les purs players !

La guerre est donc déclarée et les batailles s’enchaînent.
Les éditeurs mettent en place des parades techniques. Les adbloquers répliquent dans la foulée et la course au code est lancée. Changement de serveurs ou de noms de domaine, pièges techniques… chaque jour ou presque il faut inventer de nouvelles parades !

Le plus utilisé des logiciels anti pubs, l’allemand AdBlock Plus, déclare laisser passer les publicités non invasives, mais ne donne pas beaucoup de détails sur ses critères de sélection. Récemment, le Financial Times a affirmé que la société allemande aurait signé des accords financiers avec des géants du net (Google, Amazone ou Microsoft) pour laisser passer leurs publicités. Mais le reste des éditeurs et annonceurs envisagerait aujourd’hui des solutions plus radicales comme d’attaquer en justice.

Les réseaux sociaux tirent leur épingle du marché publicitaire

Jusqu’à présent, les grands réseaux sociaux qui ont réussi à monétiser leur audience (comme Facebook, Twitter ou Instagram), n’ont jamais eu à se plaindre des adbloqueurs.

Au contraire, ils développent très rapidement leurs revenus. Ils proposent régulièrement de nouveaux formats reposant sur leur fine connaissance des utilisateurs et le travail d’agences entières. Ils affichent aussi une certaine transparence en permettant aux annonceurs – ou à leur agence – de gérer eux-mêmes et en temps réel la diffusion de leurs publicités. Les réseaux, Facebook et Twitter en tête, ont poussé à la mise en place de la publicité contextuelle qui est très bien acceptée par les utilisateurs.

Du fait de l’attente déontologique, ce type de contenu est plus difficile à mettre en place pour les éditeurs de contenu, particulièrement pour les sites de la presse en ligne. Et lorsque ceux-ci tentent des combinaisons innovantes comme l’a fait Les Échos sur son fil Twitter cela provoque l’ire des journalistes.

Un partenariat gagnant-gagnant-gagnant !

La grande majorité des internautes ne semblant pas prêt à souscrire aux formules payantes mises en place par les éditeurs pour assurer leurs revenus, ceux-ci n’ont pu qu’accepter l’accord proposé par Facebook. Même si celui-ci leur pose régulièrement problème, comme Google, via le contrôle qu’il exerce sur le trafic en direction des sites des éditeurs !

Quel est donc le contenu de cet accord miracle ?

Le tour de force réside dans l’implication du leader des adbloqueur, le célèbre AdBlock. A sa suite, d’autres logiciels ont rejoint l’accord ce qui a sans doute permis de convaincre autant d’éditeurs français.

Les adbloqueurs s’engagent par défaut à lever leurs blocages pour une période de 6 mois. Ils les rétabliront dans deux cas : sur dénonciation par les internautes et après examen de la demande par les adbloqueurs ; au cas par cas après détection de publicités invasives sur les sites des éditeurs inscrits dans leurs listings.
De leurs côtés, les éditeurs s’engagent sur plusieurs points.
Pour les formats pre-roll, les éditeurs comme Youtube ou les grandes chaînes en ligne limiteront la durée des publicités sur une vidéo : fini les tunnels de publicité de 120 secondes, répétés 4 fois et devenant aussi long que si on regardait la TV. La compression du son (qui donne cette désagréable impression d’avoir soudainement monté le volume) ne sera plus utilisée. Et les moments de coupure seront mieux programmés, comme pour les passages en TV : fini les interruptions barbares entre deux mots d’une même phrase !
Pour les bannières, les habillages de page et les formats qui se déplient seront limités à 2 par mois. Les bannières contenant des vidéos ne devront plus lancer automatiquement le son.

Enfin, et c’est là que Facebook rentre dans l’équation, les éditeurs vont travailler avec le réseau social pour optimiser au maximum leur contenu et sa diffusion grâce à un croisement de leurs DATA respectives. L’objectif est d’optimiser le taux de clics des visiteurs en individualisant au maximum la présentation des publicités y compris sur les horaires d’affichage. Au niveau technique, les zones de diffusion des publicités seront liées aux serveurs de Facebook.

Si le communiqué ne précise pas dans quelle mesure Facebook va collaborer avec les éditeurs, on peut supposer que  le système sera similaire à son offre d’audience personnalisée. Connaissant Facebook, il est fort probable que le réseau souhaite conserver le plus possible la main sur ses DATA.
Cet accord est cependant une bonne nouvelle pour toutes les parties impliquées ainsi que pour les internautes. Les souscripteurs de formules d’abonnement bénéficieront toujours d’une absence de publicité. Les autres devraient apprécier l’amélioration de leur parcours en ligne.
Il est intéressant de noter que la grande majorité des logiciels de blocage de publicités se sont laissés séduire pour éviter les poursuites judiciaires qui s’annonçaient. Poursuites d’autant plus menaçantes que, pour une fois, les éditeurs de différents pays européens et américains étaient parvenus à travailler ensemble !

Cependant, certains extrémistes comme Tampermonkey ne se sont pas laissés conter fleurette et maintiennent leur blocage.