Envoyer un document, fixer un rendez-vous, poser une question, le courrier électronique est monnaie courante en entreprise. Jugés pratiques, rapides et efficaces, les e-mails peuvent aussi représenter un facteur de stress, réduisant alors l’efficacité des employés. Retour sur le phénomène d’infobésite à l’heure où la digital detox séduit de plus en plus de Français.

Supprimer l’e-mail pour mieux communiquer ?

À la fin du mois de févier, Olivier Mathiot, PDG du site marchand Priceminister annonce la mise en place pour ses employés d’une demi-journée sans e-mail. Ainsi un vendredi matin par mois, les salariés de la plateforme de vente en ligne n’ont plus le droit de communiquer entre eux par courrier électronique. Cette décision vise à encourager les collaborateurs d’un même bureau à mieux communiquer entre eux. Punition ou sevrage ? Cette pratique fait figure de véritable OVNI dans le paysage français. Pourtant, elle n’est pas nouvelle et est née en 2007 aux Etats-Unis. Cette année-là, les entreprises Intel et Deloitte & Touche annoncent l’instauration des “no-email-friday”. Qu’est-ce que c’est ? Une journée prédéterminée durant laquelle les employés n’ont pas le droit de communiquer entre eux par courrier électronique. Une fois par semaine, par mois, par semestre, ou par an, chaque entreprise fixe son rythme. L’objectif ? Restaurer le lien social entre les collaborateurs et valoriser les échanges verbaux. Cette initiative a d’ailleurs particulièrement inspiré l’entreprise de services numériques Atos, qui lance en 2011 le programme Zero Email™ : ce dernier a pour objectif de supprimer totalement le courrier électronique des échanges internes au profit d’autres modes de travail plus collaboratifs. Il faut bien noter que ces initiatives ne concernent que les e-mails en interne. 

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Moins d’email pour lutter contre l’infobésité

Mais que reprochent donc ces entreprises à l’e-mail ? Le premier argument évoqué est le stress créé par l’accumulation de messages dans les boîtes de réception des employés. Avec près de 100 milliards d’e-mails professionnels échangés chaque jour, les collaborateurs doivent traiter un très grand volume d’informations chaque jour. Absorber, hiérarchiser et traiter les flux d’informations qui inondent les boîtes mail peut alors devenir une véritable source de stress pour les employés. On parle alors d’infobésite pour évoquer cette surcharge informationnelle. Caroline Sauvajol-Rialland, maître de conférences à l’Université Catholique de Louvain et à Sciences Po Paris explique : “Il s’agit d’une vraie souffrance. Cela met les personnes en situation d’angoisse constante, d’inquiétude, de frustration parce qu’elles n’arrivent pas à suivre ce flot continu, qui, du coup, entraîne un sentiment d’impuissance et un fort stress”. Pour justifier son programme, le PDG du groupe Atos explique que ses employés reçoivent en moyenne 200 emails par jour et y consacrent entre 10 et 20h par semaine. Cette overdose informationnelle nuit à la qualité de vie au travail, altérant l’efficacité des employés et leur relation avec leurs pairs. Le PDG de Priceminister déplore le fait que certains de ses employés communiquent par e-mail alors qu’ils sont voisins dans l’open-space. Et des employés qui échangent moins, ce sont potentiellement des employés qui prennent moins de recul sur leur projet. La créativité risque d’être desservie voire bloquée par le stress. Plus catégorique, l’entreprise Atos accuse ce mode de communication d’être une véritable source d’inefficacité. Alors faudrait-il tuer l’e-mail pour soulager les employés ? Le problème vient-il vraiment de l’e-mail ou de l’usage que les collaborateurs en font ? Et s’il faut le remplacer, par quoi ?

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Plutôt que de supprimer totalement un outil de travail dominant dans les entreprises, il semble plus judicieux dans un premier temps d’en repenser l’usage. Pour cela, un accompagnement des salariés vers une meilleure utilisation de cet outil. D’autant plus qu’avec la généralisation des smartphones, les employés peuvent consulter leurs e-mails partout, tout le temps, de façon instantanée. Ils sont alors continuellement joignables. Remettre en question les process en entreprise tant du côté des managers que des employés pourrait alors permettre d’améliorer la productivité des entreprises. Comme le souligne Olivier Mathiot, « Le mail c’est de la communication écrite qui parfois finit par être un peu agressive quand vous mettez beaucoup de gens en copie pour répondre des petites phrases ». Mettre ses supérieurs en copie pour se prémunir d’éventuels problèmes rencontrés dans un projet est une pratique courante. Pour contrer ce poids et cette pression de la hiérarchie, il semblerait intéressant de restaurer le lien social et la confiance entre les collaborateurs. Plus qu’un combat contre l’ e-mail, c’est vers une revalorisation des échanges réels que nous devrions nous diriger. La digital detox ? Pourquoi pas, mais accompagnée d’une véritable pédagogie. Démontrer les limites de l’e-mail peut alors être intéressant : expliquer comment améliorer et optimiser son utilisation et surtout fournir des solutions et des alternatives. Il existe en effet de nombreux outils de gestion de projet et de collaboration en ligne qui pourront permettre de soulager les messageries… et les employés ! À l’heure où les études et classements autour du thème du bonheur au travail se multiplient, cette démarche pourrait aussi servir la marque employeur. Elle témoignerait de l’attention portée à la qualité de travail des employés, en les accompagnant vers une forme de digital detox bénéfique à tous. Les entreprises ont alors un rôle à jouer dans la relation de leurs employés avec le numérique en les accompagnant vers des usages aux service de la qualité de vie professionnelle et personnelle.