Les marques chinoises arrivent. On ne cesse de l’entendre mais on ne s’en rend pas encore vraiment compte au quotidien. Comment s’y prennent-t-elles pour établir des positions sur des marchés aussi compétitifs et dominés par les occidentaux et coréens que les technologies ? Il n’y a pas de méthode unique mais le cas XiaoMi – numéro 3 mondial de la téléphonie mobile après seulement 4 années d’existence – est assez emblématique des nouveaux modèles de développement que proposent les sociétés chinoises. Sur quoi repose-t-il ?

Un ancrage local très fort.

XiaoMi est un acteur purement chinois dont toute la chaine de valeur (recherche, composants, assemblage, etc.) est rassemblée dans son pays, ce qui représente un avantage par rapport à ses concurrents internationaux. L’offre et les services associés sont conçus d’abord pour le marché intérieur où XiaoMi a écoulé la majeure partie des 61 millions de portables vendus l’an dernier. La marque, elle, renvoie aux fondamentaux de la culture locale : le nom XiaoMi signifie « petit riz », la mascotte – le lapin Mi – porte l’étoile et l’écharpe rouge emblématiques de la Chine communiste. Le local c’est la base, l’espace où l’on croit d’abord avant d’atteindre la taille critique qui permet d’être assez solide pour sortir ensuite des frontières.

Un modèle digital – frugal.

On reproche souvent aux entreprises chinoises de ne pas innover. De fait, leur savoir-faire se situe plutôt dans la capacité à assimiler une technologie existante, à se la réapproprier pour y injecter des éléments nouveaux, très pertinents pour le marché local, et la reproduire à petits prix pour la rendre accessible au plus grand nombre.
La créativité est bien présente chez XiaoMi mais elle est surtout mise au service d’un modèle commercial original :
– Pas de distribution physique. La commercialisation des produits se fait uniquement sur internet. XiaoMi est devenu leader sur le premier marché mondial de la téléphonie – la Chine – sans présence en magasins !
– Pas de publicité. La promotion de la marque se fait par le biais d’une forte activité sur les réseaux sociaux, le développement d’une communauté de fans porteuse de bouche à oreille, et la visibilité de Lei Jun, le charismatique patron de l’entreprise très présent dans les médias chinois et qui sait les exploiter pour véhiculer les principales annonces de la marque.
– Le recours à des opérations de ventes flash massives sur internet. Celles-ci permettent à la fois d’attirer l’attention, de générer un effet de rareté créateur de désir pour la marque, et d’écouler de grandes quantités de produits en peu de temps.
– Les économies réalisées sur la distribution et la promotion permettent d’offrir des prix hyper-compétitifs pour des produits qui ne sont pas seulement basiques mais aussi haut de gamme à prix cassés : XiaoMi affirme « we believe that high-quality technology doesn’t need to cost a fortune ».
Ce modèle performe à merveille sur un marché comme la Chine qui combine une forte appétence des consommateurs pour le mobile, des pratiques d’achats en ligne très avancées et un pouvoir d’achat encore limité pour la grande majorité des citoyens.

Un développement international centré sur les pays émergents.

Fort de la puissance qui lui confère son développement en Chine, XiaoMi s’attaque maintenant au monde. L’entreprise pékinoise le fait en se déployant d’abord sur l’Asie du Sud-Est – à Taiwan, Hong Kong, Singapour, aux Philippines, en Malaisie – mais aussi et surtout en se concentrant prioritairement sur les autres grands pays émergents – l’Inde, l’Indonésie, le Brésil, le Mexique – là où elle trouve un volume de population sans équivalent et un niveau de vie susceptible de générer un intérêt maximum pour son offre ultra-compétitive.
Par contraste, XiaoMi reste très en retrait sur l’Europe et les Etats-Unis en y proposant pour l’instant seulement quelques accessoires électroniques. Le développement international de XiaoMi s‘appuie avant tout sur des critères de dynamique démographique et les marchés occidentaux présentent tout simplement moins de potentiel que les grands bassins de classe moyenne émergente.
En parallèle, la marque chinoise étend à présent son modèle disruptif aux objets connectés, à la maison intelligente et à la vidéo embarquée (en proposant l’équivalent d’une GoPro pour moins de la moitié de son prix), toujours sans apporter d’innovation majeure mais en mettant des produits de qualité à la portée du plus grand nombre. En cela, XiaoMi est en phase avec le monde d’aujourd’hui, dont la population reste très majoritairement modeste – 90% des terriens vivent avec moins de 1000 $US par mois – mais toujours plus digitale, mobile et connectée.