La conférence « Intranet, RSE et transformation digitale » organisée par CCM Benchmark le 18 novembre à Paris a été l’occasion de partager l’expérience des grandes entreprises et des experts sur les enjeux et moyens de leur digitalisation.

La digitalisation ou transformation digitale est un incontournable des stratégies

Tous les grands groupes, et pas seulement les « brick & mortar » sont confrontés à une concurrence proteiforme qui bouleverse les règles de la compétition établies de longue date : ces nouveaux entrants, non seulement adressent le marché différemment, mais se développent à une vitesse qui prend les « vieilles dames » de court.

Ainsi, airbnb, fondé en 2008, a une valorisation supérieure à celle d’Accor, et la valorisation d’Uber – fondée, elle, en 2009 – dépasse celle de Hertz.

Cette vitesse et ces changements de paradigmes de marché poussent les grandes entreprises à se ré-inventer à marche forcée et ces sujets de transformation sont aussi pharaoniques que vitaux si on considère la manoeuvrabilité de ces structures de plusieurs dizaines de milliers de personnes.
Les Directions Générales déclinent ainsi leurs stratégies en mettant en exergue, tant bien que mal,

  • de nouveaux comportements internes qui vont faire considérer différemment la concurrence, l’écosystème, les clients, …
  • les nouvelles technologies qui sont souvent un catalyseur des ruptures de fonctionnement des processus,
  • le refus des tabous qui se sont sédiments et qui entretiennent les esprits dans le « on a toujours fait comme ça »

Pour autant, digitalisation ou pas, la grande question à laquelle l’entreprise a toujours à répondre reste : « Où devons-nous aller? » Cette réponse restant la responsabilité – et le rôle premier – de l’entreprise, interessons-nous plutôt au :

Comment y aller?

David Kujas, qui dirige l’équipe Interactive Digital d’Accenture pour la France et le Benelux, a exprimé la proposition opérationnelle de ce grand acteur de l’IT en 2 streams :

  1. Digital Customer qui va adresser le développement du business, et donc la Top Line du compte du résultat
  2. Digital Enterprise qui va engager l’entreprise dans une optimisation de ses coûts de production et donc agir directement sur la Bottom Line.
    Ce dernier point est crucial car selon une étude McKinsey, après des années d’optimisation des processus et des modes de production, seul 9% du bas de bilan restent à optimiser, ce qui laisse une marge de progression limitée.

Sa conviction est que les entreprises les plus matures dans le digital sont celles qui s’intéressent à leur éco-système et se connectent entre elles. Ces interfaces entre les unités internes et externes à l’entreprise sont fondamentales pour la création de valeur.

Dans son livre « Transformation digitale : 5 leviers pour l’entreprise » co-écrit avec David Fayon, Michaël Tartar se propose de mesurer la maturité numérique de l’entreprise au travers de 127 KPIs et d’agir sur 5 leviers :

  1. l’organisation au sens de l’organigramme, de la gouvernance et des KPIs de l’entreprise : l’écrit
  2. La technologie et l’innovation
  3. les collaborateurs
  4. les produits et services et bien évidemment leur production et leur distribution
  5. et enfin l’environnement incluant la e-reputation, l’eco-système, …

L’intérêt de l’ouvrage est de poser une base de mesure et donc de pouvoir en évaluer la progression.

Quels retours de ceux qui ont déjà engagé cette démarche?

Les retours d’expérience des « pionniers » sont toujours riches pour éviter de reproduire des erreurs ou capitaliser sur les bonnes pratiques.
Quelques points nous  paraissent pertinents :

Même si les Réseaux Sociaux d’Entreprise ne donnent pas les résultats qu’on aurait pu espérer (voir article Siècle Digital sur le sujet) ils représentent une première étape visible de digitalisation des fonctionnements en introduisant une notion préalable fondamentale à la transformation : le fonctionnement en réseau et la mise à plat des structures hiérarchiques.
En effet, ces modes de fonctionnement,  indépendants – et complémentaires – de la structure hiérarchique, permettent à de petites équipes de gens motivés d’adresser des sujets d’innovation ou de simplification de processus qui sont les premières étapes de la digitalisation.

Le Chief Digital Officer (CDO) n’apparait pas comme un must have. Ce poste fleurit dans de nombreuses entreprises, mais peut souffrir d’un manque de poids, notamment dans son inévitable friction avec le CIO. La clef se situe dans l’impulsion que l’entreprise donne, au plus haut niveau, à sa digitalisation et à sa transformation. Dans ces conditions d’empowerment, le CDO a toute sa place.

L’international est également un élément extrêmement moteur de la digitalisation : au coeur de l’organisation jacobine d’une multi-nationale française, la petite filiale exerçant dans un pays à faible infrastructure (transport, telecom, …) voit un intérêt immédiat à l’utilisation des technologies et à la simplicité du contact direct avec le siège.
Les processus de communication, de reporting et de collaboration sont ainsi mécaniquement beaucoup plus performants.

Le reverse mentoring est également une bonne pratique à envisager. Le principe est simple faire mentorer le management par de jeunes digital natives. Cette démarche a le mérite d’acculturer toute la structure de management aux technologies, mais surtout à leur utilisation. Elle démontre également une humilité de la part de la structure managériale qui, elle aussi, est un point clef de l’aplatissement de la hiérarchie et de l’échange entre les unités.
Marc Florette, Directeur « Digital » de GDF-Suez, a partagé la dynamique mis en place dans son Groupe auprès du Top 130 de l’entreprise. Selon lui, le reverse mentoring est un excellent outil d’échange qui permet également de valoriser les jeunes de l’entreprise.

La création de filiales spécialisées apparait comme un outil également très efficace. Si cette solution permet de s’affranchir de l’inertie d’un Groupe de grande taille et de tester très rapidement des voies de business complémentaires, elle ne résout pas de coeur du sujet de la transformation à l’intérieur de l’entreprise.
Pour autant, AXA direct ou toutes les banques en ligne, filiales de banques « classiques », montrent la voie.

La digitalisation : un projet comme les autres?

La digitalisation est comme la crise, elle n’est pas un phénomène passager qu’un projet de transformation résoudrait.

Elle est la réponse permanente à la nécessaire adaptation des entreprises à un business et un marché rapides, internationaux et en constant enrichissement d’offres et de modes de fourniture.

Il faut plus envisager cette transformation comme un mode de fonctionnement instable par nature et une culture,

  • elles n’est pas un projet tel que l’entreprise a l’habitude d’en mener, mais un processus continu,
  • pour s’exprimer pleinement, elle doit être transverse à toute l’entreprise et ne peut être réduite à un métier ou un service,
  • elle fait appel à des technologies peu maîtrisées car généralement émergentes si l’entreprise veut innover et  prendre des positions sur son marché,
  • et elle se fait à un rythme que l’entreprise n’a sans doute jamais expérimenté.

Pour conclure et méditer, une phrase de Jack Welch : « If the rate of change on the outside exceeds the rate of change on the inside, the end is near ».