Mardi, la nouvelle est tombée. Olivier Altmann quitte son poste de co-président et DC chez Publicis pour s’associer avec Edouard Pacreau, jeune retraité en mal d’occupations, accessoirement ex-DG de McCann Paris. Mad men ! Le genre de nouvelles qui modifie quelques peu l’échiquier de la publicité française, même si Publicis a placé quelques billes dans l’histoire. Rencontre avec l’un de ces deux fous du roi.

Après l’interview du Siècle de Thomas Jamet, voici l’interview du jour avec Edouard Pacreau. Bonjour Edouard. La retraite, c’est pas ton truc finalement ?

– Ne crois pas ça Thomas. J’ai adoré jardiner, me promener avec mon chien dans la campagne vendéenne, suivre mes chevaux en concours hippiques… Au fond je crois que si je ne bossais pas beaucoup je serais un véritable oisif ! Plus sérieusement, j’aime trop la pub pour rester inactif très longtemps et lorsque le meilleur créatif français des 20 dernières années a envie de créer une nouvelle agence avec toi, tu ne réfléchis pas et tu fonces !

– Il y a quelques semaines, tu claquais la porte de Mc Cann Paris, mais visiblement pas celle de la publicité. Tu aurais pu rentrer en Vendée couler des jours paisibles en sillonant les hippodromes ou monter une petite agence de production de faire-part pour mariages ratés. Tu as préféré débaucher le DC de Publicis pour monter ton agence. Pourquoi ce choix ? La crise de la cinquantaine ? Envie d’une seconde jeunesse ? Es-tu le responsable de l’échec de la fusion Publicis-Omnicom ?

–  Alors tout d’abord cher Thomas, quelques précisions :

1) Je ne suis pour rien dans la non fusion de Publicis et Omnicom (rires). C’est dommage pour les deux groupes mais je ne me fais aucun souci pour le groupe de Maurice Lévy pour continuer à grimper seul dans le ranking des groupes mondiaux dont il occupe déjà la troisième place ! Une superbe performance pour un groupe français, croyez-moi ! Et quand on voit l’accord récent qu’ils ont signé avec Facebook, quelque chose me dit que la croissance de Publicis a de beaux jours devant elle !

2) Je n’ai pas claqué la porte de McCann, nous avons décidé de cette rupture d’un commun accord avec Philippe Lentchener que je remercie encore de m’avoir choisi à une période « critique » de ma carrière.

3) Je n’ai pas débauché Olivier Altmann, nous nous sommes choisis… ! Et t’imagines pas le bonheur et la fierté que ça a été pour moi !

4) La crise de la cinquantaine ? Je ne me sens pas concerné, je n’ai que 49 ans (contrairement à Olivier) ! (rires)

Non je crois tout simplement que c’était l’heure, l’heure d’arrêter de râler et de rendre parfois sa hiérarchie responsable de ses malheurs… L’heure de prendre les commandes de son histoire ! Et puis ne dit on pas que si a 50 ans tu n’as pas monté ton agence, tu as raté ta vie ? (rires)

– Dans un paysage publicitaire ultra-concurrentiel et fragmenté (à fortiori à Paris), quelle est la raison d’être d’une telle agence ? Qu’allez-vous apporter de plus ? Une usine à stagiaire ou une académie créative? Quel modèle allez-vous adopter ?

– Ah, bonne question (en règle générale on dit ça pour avoir le temps de réfléchir). Pour nous, la crise est justement le meilleur moment pour proposer aux annonceurs une nouvelle façon de vivre leur relation avec les agences, une relation basée sur la confiance et l’envie ! Celle d’offrir aux marques l’intelligence et la créativité sous toutes les formes qu’elles méritent !

Les marques et leurs dirigeant doivent retrouver cette envie et ce courage… Bien sur, créer, c’est prendre le risque (mesuré) d’être remarquable et remarqué mais c’est surtout pour nous le seul moyen de croître un business ! C’est notre ambition pour nos clients.

Et pour ce qui est de votre dernière question, notre objectif est clairement de créer une académie Altmann+Pacreau, une véritable écurie de talents. Maintenant, nous nous lançons directement en première division et il s’agira de réaliser un mercato ciblé et intelligent !

– Olivier Altmann, que l’on ne présente plus, est l’auteur du préface du livre de Thomas Jamet « Les nouveaux défis du brand content » dans laquelle il dit ceci : « Le brand content c’est finalement ce que devrait être la bonne publicité. Un échange entre une marque réussissant à construire une relation émotionnelle avec son public et un consommateur ayant le sentiment d’être diverti sans sentir la pesanteur d’une pression commerciale ». Quel est ton regard sur ce mot à la mode (le brand content) tout d’abord et sur la « technicisation » de la publicité liée au digital ensuite ? Quelles sont/seront les exigences créatives de votre agence ?

Plutôt que brand content, j’ai toujours préféré parler de « vie rêvée d’une marque » ! A partir de là, seule l’idée prime et une grande idée est toujours facile à développer quelque soit le média… C’est d’ailleurs pourquoi nous nous positionnons résolument comme une agence « media neutral ». Le digital ne peut plus être considéré comme la seule preuve de la jeunesse d’esprit d’une marque ! Il est devenu un tuyau de plus avec ses règles propres, qui permet une nouvelle conversation avec les consommateurs… Mais ni plus ni moins que le street marketing ou le bartering.

Vous savez, tant que les marques commerciales du net auront besoin de faire de la TV pour créer du traffic, tant que nous serons tentés de jeter les pop up intrusifs sur la toile, notre concept de « media neutral » aura un bel avenir. A ce titre, une campagne comme Oasis, réalisée par Marcel est un pur exemple de réussite créative et commerciale multi medias ! En tout cas, ce qui est sûr c’est que chez Altmann+Pacreau, on préfère la big idea à la big data.

– D’ailleurs, vous avez déjà bossé ensemble toi et Olivier. Pour les petits jeunes qui nous suivent, peux-tu nous donner quelques campagnes (ndlr : disponibles à la fin de l’article) sur lesquelles vous avez jubilé et dont mes parents se souviennent sûrement encore?

Si je ne devais en citer qu’une, certainement le remake parodique des pubs TV Opel (« Deutch qualitate ») pour la nouvelle Renault Megane (campagne « Ya ya ya »)… Une campagne « couillue », prévue simplement sur trois jours et qui la veille de sa première diffusion à la TV avait déjà réalisée 4 millions de vues sur Youtube ! En termes de ROI, sûrement l’une des campagnes les plus efficaces de ces dernières années. Si ça ce n’est pas du buzz ! (rires) Une campagne et une audace rendue possible par l’envie et le courage de notre client, the famous Steve Norman, aujourd’hui patron monde du groupe PSA !

Allez une petite deuxième pour la route ! Le lancement du Duster Dacia et sa célèbre réplique devenue culte jusque dans les cours d’écoles : « Mais on ne va quand même pas dépenser si peu ! » Véritable pied de nez à tous ceux qui confondent voitures et signes extérieurs de réussite.

Allez vous insistez, une dernière, la campagne Twingo mettant en scène un père drag queen ou encore un mariage gay… Le tout 4 ans avant le mariage pour tous ! Si ce n’est pas le signe d’une petite voiture qui a toujours mieux compris son époque que ses concurrentes…

– Quelle est la campagne qui t’as le plus retourné le cerveau ces derniers temps ?

Sincèrement, absolument aucune. Encore une raison de plus d’avoir eu envie de créer notre agence.

– Il me semble que tu es l’instigateur du fameux « Garage » de Publicis Conseil, la cellule dédiée au budget Renault, dont j’ai eu quelques échos. D’autre part, tu t’es baladé à la direction de nombreuses grosses agences françaises : CLM BBDO, Leg, BETC, Publicis Conseil… Quel est ton secret managériale ? Par les idées ou par la baguette ?

Les deux mon général ! Chacun peut et doit être capable de trouver une belle idée mais si vous n’êtes pas bosseurs, ce talent ne sert pas à grande chose ! Maintenant, tu ne peux exiger le meilleur de tes équipes que si tu les protèges et les défend contre vents et marées et les fait grandir quitte a les perdre ! Pour ça aussi tout est question d’envie et de confiance ! J’ai toujours pris soin de recruter de véritables talents qui avaient encore des choses a prouver, quelque soit leur âge. Un peu comme moi finalement. (rires)

– Au cours de l’une de nos récentes discussions, tu disais : « Avant, les agences étaient devant leur client (ndlr : entendez « proactifs »). Aujourd’hui, c’est le contraire ». Les agences jouent-elles toujours le rôle qu’elles doivent jouer ? Comment concilier exigence créative et sens commercial dans un monde « optimisé » où les idées sont le plus souvent transformées en chiffres ?

Vaste question… Nous n’avons plus d’autres choix aujourd’hui que de redonner confiance, envie et courage à nos clients… Seule façon de reprendre un temps d’avance sur leurs exigences commerciales !

– La dernière question, c’est toi qui la pose. Car c’est aussi ça le web 2.0.

– Aurais-tu envie de rejoindre Altmann+Pacreau ?

– Vous pouvez répétez la question ? (rires) Oui, mais seulement si vous visez la Ligue des Champions.

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